06/10/2023
Sylvie Berkane Goumet

Bien que le cartel soit l’organe de base de l’École, il ne doit pas faire consister un idéal. Rappelons qu’au moment de la dissolution de son École, dans un Petit discours à la Maison de la chimie, le 5 juillet 1980, Lacan y insiste : « La réaction de masse du groupe, Freud l’avait prédite : c’est de trouver refuge dans un idéal, l’idéal de l’infaillible. L’idéal une fois installé, tout est bien, on échange des courbettes ».

Ce court extrait nous ouvre des perspectives de réflexion essentielles. Si le travail en cartel rompt avec l’idéal d’un tout-savoir, il évacue aussi l’idée qu’un maître puisse en détenir les clefs. Il pare ainsi « à l’émergence d’une hiérarchie sclérosante », comme l’indique Laura Vigué dans son texte. En outre, pour contrer ce pousse à l’idéal, encore fallait-il à Lacan penser un dispositif qui objecte à « la réaction de masse », soit à l’identification et ses effets de colle afin d’éviter « l’étouffement de la cause singulière » que relève Mathieu Siriot.

Que visent toutes ces précautions ? Lacan réunit des conditions de travail qui, d’écolant chaque un, aura chance de faire école. Il s’agit donc de miser sur le surgissement d’un rapport au savoir inédit qui laisse place à du nouveau, du nouveau pour chacun, mais aussi du nouveau pour les autres cartellisants. En effet, « quand deux ou trois personnes parlent ensemble, allez savoir après qui a fait émerger la chose ; il y a celui qui l’a dite, mais il y a celui qui le lui a fait dire, et celui qui s’est aperçu que c’était important. »1Miller J.-A., Cinq variations sur le thème de l’élaboration provoquée. Le cartel produit un travail singulier certes, mais pas sans les autres. Il est « une voix qui fait appel au travail, pour sortir de la paresse et du dogmatisme », comme le formule Rosana Montan-Sedoud.

Le transfert, vecteur de travail qui opère en cartel, n’est pas un transfert sur le plus-un ni sur les autres membres du cartel. C’est un transfert sur les textes, c’est pourquoi la permutation est un élément fondamental : « difficile de s’engluer si les repères sont mouvants », remarque Romain Aubé.

Les collègues que j’ai cités se sont aventurés à explorer le jeu des nouages et dénouages du cartel, ce qu’il serre, ce qu’il desserre et ce à quoi il sert. Ce numéro 44 de Cartello rend compte de ce qui fait du dispositif un organe de base et une véritable porte d’entrée dans le discours analytique. C’est un préalable, une invitation à en savoir plus en participant à la Matinée des cartels voulue par l’École et qui aura lieu le 2 décembre 2023, de 9H30 à 13H30, en visioconférence. Pour vous y inscrire, il suffit d’un clic.


Sylvie Berkane Goumet est psychanalyste, membre de l’ECF et de l’AMP.