Le contrôle

« […] le besoin qui résulte des exigences professionnelles chaque fois qu'elles entraînent l'analysé en formation à prendre une responsabilité si peu que ce soit analytique. C'est à l'intérieur de ce problème et comme un cas particulier que doit être situé celui de l'entrée en contrôle. » Lacan J., « Acte de fondation » (1964), Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 230.

Qu’est-ce que le contrôle ?

Dans l’Acte de fondation de l’École Freudienne de Paris, en juin 1964, Lacan a cette formule : « le contrôle s’impose ». Le contrôle s’impose mais il n’est pas obligatoire.

Il s’impose parce qu’il s’agit pour le psychanalyste de rendre compte des effets analytiques obtenus par l’analysant lors d’une cure. Il s’impose aussi comme une évidence car il relève d’un désir qui pousse le praticien à rencontrer un psychanalyste pour parler de sa pratique analytique. Il répond donc à une logique subjective. Celui qui s’y engage choisit librement son contrôleur, un contrôleur auquel il prête un savoir. Aucun standard ne vient ordonner la séance de contrôle.

Le contrôle et la formation du psychanalyste

La formation de l’analyste suppose un savoir théorique, essentiel, transmissible mais insuffisant à la pratique car il s’appuie sur une typologie des symptômes. Or, chaque cas interroge la théorie et suppose de s’intéresser aux singularités. S’orienter de la psychanalyse, c’est ne pas reculer devant les disjonctions entre les normes théoriques et la spécificité des cas ; c’est aussi accepter de se confronter aux difficultés cliniques, pas seul, ni sans formation solide, ni sans un tiers.

Le contrôle contribue à une formation qui va bien au-delà d’une transmission de savoir de type universitaire. Certes, un analyste peut recourir au savoir supposé d’un autre pour mieux déchiffrer les dits d’un l’analysant, pour poser un diagnostic ou pour régler la direction d’une cure. Rapporter le point de détail d’une séance ou d’une phrase, évoquer le déroulé d’un traitement ou interroger un point énigmatique fait interprétation. Le contrôleur s’en fait l’adresse, l’effet de surprise, de trouvaille surgit parfois de son intervention ; d’un mot, d’une question, il peut renverser le point de vue, dégager une autre lecture, une autre issue. Parfois aussi la surprise surgit du côté du contrôlant qui s’entend dire ce qu’il rapporte.

Rendre compte de son acte

Le contrôle, tel que Lacan l’envisage, est proprement analytique et donc il se pense en écho avec la cure du contrôlant. L’adresse à un tiers fait sortir l’expérience analytique de la dualité et de ses effets imaginaires. En effet Lacan nous met en garde contre la puissance de captation du regard et son emprise qui concurrence l’oreille. En d’autres termes, le contrôlant se tient à distance des restes potentiels de sa propre jouissance et peut ainsi tirer des conséquences didactiques de sa propre cure. De plus, en lisant les effets de l’analyse chez son patient, le psychanalyste éclaire sa propre position.

Cependant, le contrôleur n’est pas un maître, sinon à l’entendre sur le mode socratique. Il encourage le praticien à rendre compte de son acte, à en restituer la logique qui ne se lit que dans l’après-coup, que dans les effets obtenus pour le patient. Or, élaborer la logique de son acte, en assumer les risques, c’est à la fois s’en rendre responsable et identifier son rapport singulier à la psychanalyse, son propre style.

Savoir ne pas savoir

Jacques-Alain Miller nous rappelle qu’il n’y a pas de concept de l’Analyste et qu’on ne peut donc inviter un praticien à s’y conformer. « La seule voie ouverte reste celle du paradigme : faire son deuil d’un super-savoir ; savoir ne pas savoir ; assumer sa singularité comme analyste.1« En ligne avec Jacques-Alain Miller », La Cause du désir, n°80, février 2012, p. 9, consultable en ligne sur Cairn.info.» Le contrôle y contribue parce qu’il fait entendre la nouveauté de chaque cas, parce qu’il invite à ignorer tout préjugé qui reposerait sur un savoir pré-établi.



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    « En ligne avec Jacques-Alain Miller », La Cause du désir, n°80, février 2012, p. 9, consultable en ligne sur Cairn.info.