Cartello, 44

La vie du cartel

06/10/2023
Rosana Montani-Sedoud

Pour son École, Lacan accorde une importance majeure au cartel : c’est un de ses piliers et il en fait le lieu du travail. Jacques-Alain Miller réitère cette dimension, faisant du cartel le lieu du « travail du transfert de travail »1Miller J.-A., « Cinq variations sur le thème de l’élaboration provoquée ».. Ce travail dans le cartel ne prend pas la voix de l’impératif surmoïque. C’est une voix qui fait appel au travail, pour sortir de la paresse et du dogmatisme.

Lacan définit aussi le cartel comme un « organe de base ». L’organe est un instrument, comme l’est aussi l’organe de la voix, et c’est un mot qui colle au corps. Dans le cartel, il y a de la voix dans chaque prise de parole, à condition que le bla-bla propre d’un groupe soit évité afin que la voix unique de chacun, de ce qui fait insigne, soit mise au travail. Le cartel n’a pas la consistance du groupe, mais celle d’une organisation, mot qui, dans sa racine, rappelle l’organe. Une organisation qui s’oppose au discours du Maître, une rencontre de quatre plus un, sans hiérarchie, sinon comme un organe qui est l’ « instrument de connaissance » où peut se recueillir le « résultat d’un travail ».

Nous centrer sur ce lien du cartel entre le travail et l’organe, laisse voir à quel point de la libido est mise en jeu dans ce dispositif ! Qu’à l’École et dans la formation des analystes, le cartel soit un organe de base est la trouvaille de Lacan pour assurer une modalité toujours vivante et dynamique. Le cartel est un organe toujours renouvelé. Pas de possibilité d’enkyster cet organe, ni de le rendre répétitif. Il va renaître constamment dans le mouvement du désir de savoir, induit du transfert et à partir de la question de chacun qui y participe.

Cet organe qu’est le cartel se régénère à chaque fois, d’abord par le renouvellement permanent des cartellisants, dans le choix que ceux-ci font du plus-un, par les rendez-vous de travail et les échanges partagés et par la nouveauté de l’élaboration d’un produit qui a été tissé dans ce collectif.

À propos de cet aspect libidinal du cartel comme organe, se dessine un cycle de vie : le cartel se forme, travaille et prend fin, dans une durée limitée.

C’est un organe qui assure un mouvement constant et charnière entre l’ouverture vers l’extérieur et l’intérieur de l’École. Vers l’extérieur, le cartel est une porte d’entrée, qui peut être composée d’analystes et de non-analystes. Vers l’intérieur de l’École, le cartel s’inscrit, se déclare et contribue avec les avancements de son travail.

Le cartel est l’organe du vivant qui réanime le savoir pour qu’il ne devienne pas lettre morte et qui insuffle une jeunesse à chaque moment de la vie de l’École.


Rosana Montani-Sedoud est psychologue, déléguée aux cartels de l’ACF en Île-de-France.