L'Hebdo Blog, 266

L’Autre, cet étranger

Éditorial

© J.-M. Molle
28/03/2022
Philippe Giovanelli

Durant l’entre-deux-guerres1Cf. Briole G., « Préface », in Ramírez C., Haine et pulsion de mort au xxie siècle. Ce que la psychanalyse en dit, Paris, L’Harmattan, 2019, p. 14 : « Les hommes sont toujours entre deux guerres. », les gouvernements des démocraties européennes ont instauré des lois établissant la dénationalisation de millions d’individus nés en Europe. Insécurisés par la fragmentation d’une partie de l’Europe de l’Est après la première guerre mondiale, fuyant le fascisme italien, les persécutions nazies et l’ascension irrépressible de Franco au pouvoir, ils seront des millions jetés sur les routes en 1938. À cette période, le gouvernement français facilite considérablement la procédure de déchéance de nationalité. La philosophe Hannah Arendt a mis en lumière ce « phénomène de masse le plus nouveau de l’histoire contemporaine2Arendt H., Les origines du totalitarisme. Eichmann à Jérusalem, Paris, Gallimard, coll. Quarto, 2002, p. 573.», que furent les heimatlos, les apatrides.

Exclus de leur pays et dépouillés de leur citoyenneté, ils vont errer en Europe, n’ayant que leur corps pour seul viatique, puis échouer pour la plupart dans « le seul substitut concret à une patrie inexistante3Ibid., p. 583.», le camp d’internement. Ces bannis de l’Autre rejoignent alors les migrants économiques victimes de la crise de 1929, ils viennent s’ajouter à ces masses devenues surnuméraires.

Dans son essai de 2019,…

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