BIBLIOTHEQUE
Auteurs du champ freudien

Serge Cottet et la musique contemporaine

Une lecture de Rose-Paule Vinciguerra

Serge Cottet
Références
Ouï - La Cause du désir, numéro Hors série numérique
Serge Cottet et la musique contemporaine
Serge Cottet
Éditeur, ville

Navarin éditeur

Année

2015

02/12/2024
Rose-Paule Vinciguerra
  • Serge Cottet était psychanalyste et musicien. Toute sa vie, quoi qu’il arrive, hiver comme été, il s’exerça au violon une heure par jour. Plus jeune, il avait hésité entre des études universitaires de philosophie et la musique. Il avait choisi mais jamais il n’abandonna ce rêve d’enfant. Il ne méconnaissait pas ses limites par rapport aux grands violonistes qu’il admirait mais il s’efforça toujours de progresser dans cette pratique instrumentale. Je me rappelle ses luttes avec le déchiffrage de La Chaccone, qui clôt la Partita pour violon seul n° 2, en ré mineur de Bach. Il aurait voulu pouvoir la jouer en public.

    C’est au titre cependant de psychanalyste musicologue que la revue La Cause du désir lui demanda d’écrire un article sur la musique contemporaine qu’il intitula « Musique contemporaine : la fuite du son1Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », Ouï ! En avant derrière la musique, La Cause du désir, Hors-série, numéro numérique, Navarin éditeur, 2016, p. 50. ». Il avait déjà en 1983 réalisé dans le magazine L’Âne2Xenakis I., « La passion mathématique », L’Âne, Le Magazine freudien, Mai-Juin 1983, n° 10, pp 14-15. une interview de Iannis Xenakis.

    Lacan a parlé de peinture jusqu’à Cézanne et Picasso, mais il n’a jamais parlé de musique. Il assistait pourtant aux concerts du Domaine musical, initiés par Honegger, dirigés après la Seconde Guerre mondiale par Boulez. Ces concerts avaient la particularité de présenter des compositeurs inconnus en France, ceux de l’école de Vienne (Schoenberg, Berg et Webern), mais aussi des œuvres expérimentales d’avant-garde.

    Concernant cette musique contemporaine, Serge Cottet part du constat amer d’Edgard Varèse dans les années 1930 : « la musique est en retard sur son temps ». Et il se demande : « Qu’est-ce qui, dans la musique contemporaine, mérite l’oreille du psychanalyste ? On dira : rien de ce qui est moderne ne saurait lui être étranger. On répète que l’artiste précède la psychanalyse ; celle-ci l’aurait-elle enfin rattrapé ? Le temps qu’elle comprenne est-il advenu ?3Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p 50. »

    Varèse soutenait que la musique n’avait pas su « profiter de la technologie scientifique », qu’elle n’avait « utilisé que très tardivement les possibilités que la science permettait pour un renouvellement de la création comme de la diffusion musicale4Ibid. ». Varèse en effet avait voulu intégrer l’apport des sciences à la musique (c’est notable dans ses titres Intégrales, Ionisation) pour écrire une musique concrète de bruits, de sons disruptifs et surtout y faire entrer des bandes magnétiques de sons organisés. Son œuvre de 1954, Déserts, provoqua un scandale analogue à celui du Sacre du printemps de Stravinsky, en 1913.

    Pourtant déjà Debussy et Stravinsky, quoique dans des directions différentes, avaient créé l’insurrection face à la déclamation lyrique de la mélodie classique ; « la mélodie, c’est anti-lyrique », disait Debussy. Stravinsky, lui, avait introduit la polyrythmie et la polytonalité « en accord avec l’exotisme, les rythmes barbares, le jazz, le japonisme (Trois poèmes de la lyrique japonaise)5Ibid., p. 51. ».

    Quant à Schoenberg, après le romantisme wagnérien de La Nuit transfigurée, il avait, dès 1912, commencé à éliminer les relations tonales et à élaborer le mode de déclamation du Sprechgesang (chant parlé) avec son Pierrot lunaire, pour inaugurer, au mitan des années 1920, le dodécaphonisme ou musique sérielle. Avec sa Mélodie de timbre (Klangfarbenmelodie), il ouvrait « la voie à la domination du timbre sur tous les paramètres de la musique, notamment les hauteurs et les durées ». « Il en résulte, note Serge Cottet, une dissolution de l’objet sonore qui empêche de distinguer l’harmonie et le timbre au profit d’objets hybrides, de seuil ou de transformation continue6Cité par Serge Cottet : Solomos M., De la musique au son. L’émergence du son dans la musique des XXe et XXIesiècles, Rennes, PUR, 2003, p. 76. ». Cette musique a nourri tous les musiciens qui suivirent les années 1920, bien que Schoenberg et ses élèves Berg et Webern aient été considérés comme des musiciens « dégénérés » par les nazis.

    Ce n’est qu’après la guerre, « dans les années 1950, que la musique savante apparaît comme synchrone avec le bouleversement social, culturel et technologique qu’appelait Varèse de ses vœux », rappelle Serge Cottet. Cette avant-garde européenne (Stockhausen, Boulez, Xenakis, Berio, Grisey…) avait suivi les leçons d’Olivier Messiaen. Ainsi Boulez, Stock, Luigi Nono pratiquent-ils le « sérialisme intégral, qui prolonge le dodécaphonisme de Schoenberg ». Puis « la révolution technologique avec la musique électroacoustique et la bande-son, le synthétiseur » promeut « l’avènement d’une musique sans notes, sans hauteurs, avec une recherche des timbres et des masses, indépendante de l’orchestre classique ».

    C’est Stockhausen qui a théorisé le premier « l’idée que l’on peut désormais composer des timbres comme l’on composait des accords »7Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 52.. Momente (1962), que Serge Cottet analyse brillamment8Ibid : « Avec Stockhausen, une œuvre telle que Momente (1962) réalise ce mixage de l’orchestre avec voix de soprano et percussions, où se juxtaposent tous les collages possibles ; bric-à-brac de bruits et d’éclats de voix, d’onomatopées, de mots étrangers, de rires et de claquements de langue, de bouts de poèmes de William Blake et du Cantique des cantiques. C’est comme une sorte d’association libre ; telle est l’analogie qui s’impose avec la psychanalyse […]. Il faut voir (sur Youtube) Stockhausen diriger ce tourbillon sonore avec une passion, un peps irrésistibles, une présence qui seule permet, en s’accrochant à un regard, de ne pas sombrer dans le maelström d’une musique pleine de bruit et de fureur, signifying nothing. », faisait dire à Stockhausen : « J’en ai assez des histoires avec début ou fin. Je ne cherche pas une histoire qui se déroule, mais qui n’existe que par la présence de chaque événement ».

    Boulez, lui, « promeut le sérialisme intégral ». Mais, avec Cage, « le refus de la note et des hauteurs aboutira à une culture du son pour lui-même, au sacre de la pure matière sonore9Ibid. », écrit notre collègue. « Les postsériels, Cage, Xenakis, Ligeti, mettront en question […] l’écriture musicale elle-même, et tous les paramètres qu’on croyait invariants de l’écriture : les durées, l’intensité, les hauteurs, les timbres. La survivance des notes elle-même apparaît contingente10Ibid., p. 53. ». Musique des bruits de la civilisation contemporaine. Musique des choses sans subjectivité de l’artiste ? La question reste posée.

     

    « Du prétendu langage musical à la musique des choses »

    L’interrogation initiale de Serge Cottet « Qu’est-ce qui, dans la musique contemporaine, mérite l’oreille du psychanalyste ? » doit donc, tout d’abord, être posée à partir du lien de la musique au langage. Si le bruit prévaut, la question d’un rapport possible avec le langage tombe d’elle-même.

    La question de ce lien, note Serge Cottet, véhicule toujours « la proximité de la musique avec la poésie11Ibid. ». Déjà Jakobson, dans ses Essais de linguistique générale (1963), notait « que si, à la rigueur, on peut trouver des éléments discrets et répétitifs dans l’écriture musicale, analogues aux phonèmes, la composition des sons n’engendre aucun vocabulaire12Ibid., p. 54. ». Ne sont pas contre-exemples à cette thèse les mises en musique de poèmes comme le Socrate d’Erik Satie, l’Électre de Gide mise en musique par Stravinsky, où musique et récit n’ont aucun rapport, ou encore Le Marteau sans maître de Boulez, dont le titre est emprunté à René Char.

    Lévi-Strauss de même considère que la musique dodécaphonique ne jouerait que sur une seule articulation. Martinet opposait celle des morphèmes et celle des phonèmes13Lévi-Strauss C., Le cru et le cuit, Paris, Plon, 1964, p. 32.. Cette musique ne jouerait donc que sur les phonèmes et c’est là son utopie. Si la musique a pour lui la structure d’un mythe, c’est une « synchronie sans diachronie14Ibid. ».

    Serge Cottet va plus loin et il avance, avec Boulez, que « la musique est un art non signifiant15Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 54. », a fortiori celui de la musique contemporaine. Ainsi Boulez considérait-il qu’il fallait la penser « en termes de relations, de fonctions16Boulez P., Penser la musique aujourd’hui, Paris, Ed. Gonthier, 1963, p. 31. ». À cet égard, notre collègue souscrit aux déclarations de Xenakis : « la musique n’est pas une langue17Xenakis I., Musique de l’architecture. Textes, réalisations et projets architecturaux choisis…, Marseille, Ed. Parenthèse, 2006, p. 353. Cité par Makis Solomos, in De la musique au son. L’émergence du son dans la musique des XXe et XXIe siècles, Presse Universitaires de Rennes, 2013, p. 495. ». Jusque-là, poursuit-il, « on prenait pour argent comptant le fait que la musique adoptait la structure du langage : “les notes – l’équivalent des phonèmes – en assemblage de plus en plus vaste : motifs, phrases, périodes, sections, parties et, enfin, œuvres entières… Ainsi la musique s’apparente à un discours : grâce à ces éléments isolés et aux structures dynamiques signifiantes, elle devient narration, suggestion, évocation”18Solomos M., op. cit., p. 495 ». Mais avec la musique contemporaine, avance-t-il, « non seulement le recours au continu contre le découpage discret du signifiant invalide ce modèle, mais surtout les problèmes de timbre, de sonorité et de résonance vont mobiliser des outils mathématiques étrangers au pointillisme des notes et des hauteurs19Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 55. ». Fin de l’articulation problématique entre musique et langage.

     

    Comme Joyce ?

    Serge Cottet cite pourtant le propos de Boulez invoquant le parallélisme avec Joyce pour résumer l’avant-gardisme musical20« Dans une lettre à John Cage, il écrit : « Il nous reste à aborder le vrai “délire” sonore et à faire sur les sons une expérience correspondante à celle de Joyce sur les mots ». Correspondance Cage/Boulez, 1949-1952, janvier 1950.. Cependant, ajouterais-je en suivant Nicolas Ruwet, dans le cas de la littérature, « l’infrastructure (systèmes phonologique, morphologique, lexique, syntaxe) est entièrement constituée au niveau du langage de tous les jours. L’écrivain, Joyce par exemple, ou Mallarmé, au moment où il entreprend d’écrire, n’a pas à se soucier de cette infrastructure, qui reste dans une très large mesure hors de son atteinte21Ruwet N., Revue belge de musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap, Vol. 20, No. 1/4 (1966), p. 92. ». II est en effet remarquable, note Nicolas Ruwet, que « les tentatives les plus audacieuses, Finnegans Wake par exemple, ne changent absolument rien à cette infrastructure et se bornent à une élaboration poussée de ce qu’on pourrait appeler les superstructures du langage. Autrement dit, dans la mesure où cette infrastructure du langage parlé est donnée, hors d’atteinte, la communication est garantie dans une large mesure, l’écrivain possède une base solide qui peut le libérer au niveau des superstructures. II peut se concentrer sur la recherche de la complexité, les recherches formelles22 Ibid. ».

    La situation du musicien est complètement différente, poursuit Nicolas Ruwet. « La musique forge elle-même sa propre infrastructure et nous vivons précisément un moment historique où cette infrastructure est remise en question. Toutes choses égales d’ailleurs, on pourrait dire que la musique se trouve actuellement dans une situation comparable à celle où se trouverait une langue qui, en quelques décades, aurait vu s’effondrer tout son système d’oppositions phonologiques avec la menace de chaos que cela suppose23Ibid. ». Plus d’opposition son et bruit. La musique désormais « passe […] par les choses24Lacan J., « La chose freudienne », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 410. ».

    Si donc la musique sérielle et postsérielle, moins que toute autre, ne peut être située à partir des éléments constitutifs d’une langue et de la parole, serait-ce dans une autre dimension qu’il faudrait l’appréhender ? Celle d’un espace-son de nature topologique, se demande Serge Cottet25Cf. Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 58. ?

     

    « Topologie de l’espace-son »

    Avec le projet de « faire grandir le son » pour faire « une musique de l’espace26Solomos M., op. cit. p. 442. » selon la formule de Xenakis ou à l’inverse de le décomposer « avec la puissance d’un microscope électronique27Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 56. », avec « les effets zoom ainsi que les anamorphoses du son28Ibid. », la musique postsérielle convoquerait selon Boulez « l’intuition d’une composition en caoutchouc29Solomos M., op. cit., p. 301. » qui n’est pas « sans évoquer pour nous la logique en caoutchouc du petit Hans30Lacan J., Le Séminaire, livre IV, La relation d’objet, Paris, Seuil, 1994, p. 371. », comme le note Serge Cottet. C’est en termes de sensation d’espace que la question peut sans doute être posée à nouveaux frais. Espace ouvert, sans limites, sans début ni fin comme dans Atmosphère du Hongrois Ligeti (1961) – pièce écrite après sa fuite lors de la répression soviétique de 1956, que Kubrick fit entendre dans 2001, l’Odyssée de l’espace – ou comme au début du Sirius de Stockhausen (1977) – œuvre écrite pour l’inauguration du Einstein Spacearium  à Washington où les haut-parleurs émettent la corne de détresse de quatre vaisseaux qui atterrissent en provenance de Sirius. Sirius, dit Stockhausen dans sa présentation, doit être exécuté « avec la projection d’un ciel étoilé, réaliste projection exacte du ciel dans un planétarium31Il associe à cette référence au planétarium les pièces Octophonie (1990) et Weltraum (1994). ». J’y ajouterais Le Noir de l’étoile de Gérard Grisey (1991), précédé d’une introduction de l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet. Il s’agissait, dit Grisey, d’« intégrer les pulsars dans une œuvre musicale sans les manipuler, les laisser exister simplement comme des points de repère au sein d’une musique qui en serait en quelque sorte l’écrin ou la scène32Le Noir de l’étoile avec Gérard Grisey et Jean-Pierre Luminet , 6 janvier 2014. Les pulsars définis par Jean-Pierre Luminet sont des vestiges d’une étoile ayant explosé et ayant laissé en son centre un résidu qui tourne sur lui-même très rapidement et qui a un champ magnétique très fort de sorte que cette étoile pulsar fonctionne comme un phare cosmique : deux points chauds dans l’étoile émettent un faisceau très mince de rayonnement radio et, lorsque ce rayonnement radio balaye la ligne de visée de la terre, avec un radiotélescope on capte une impulsion de rayonnement et les sons entendus, les coups sont le reflet de la rotation régulière de l’étoile, donc de véritables métronomes cosmiques, chacun ayant son rythme propre parce que les pulsars tournent à des vitesses différentes. Disponible sur youtube. », à la recherche de l’inaudible. Je pense aussi à l’analyse qu’a faite Michel Serres de Pithopraktade Iannis Xenakis : il y entendait une musique de « bruit de fond » – presque un résidu sonore du big bang – mettant en œuvre « la turbulence brute, la fluctuation des particules, le choc des individus répartis au hasard dans le temps, la fluctuation du nuage dans l’effet de charge d’espace33Serres M., « Musique et bruit de fond » (1968), in Michel Serres, Hermès II. L’interférence, Paris, Minuit, 1972, pp. 189-190. ».

    « Une musique d’extraterrestre », dit Serge Cottet, « affranchie du rythme binaire, provoquant la sensation de déplacement, de délocalisation, d’un arrachement du corps par le son, perdant ses repères spatio-temporels, vertige de l’angoisse, qui est tout un chapitre de l’esthétique musicale de notre temps ». Le son n’est plus défini uniquement par son timbre, sa hauteur, son intensité, et sa durée. « Le son est sphérique » disait Scelsi34G. Scelsi, cité par E. Restagno. « Scelsi et les sphinx sonores », livret du CD Giacinto Scelsi, Salabert actuel, 1990, p. 11.. L’espace n’est plus appréhendé en termes géométriques mais en termes topologiques. Le sujet est immergé dans l’espace-son qui le « cerne de toute part35Solomos M., op. cit., p. 432. », l’enveloppe ; il voyage au cœur du son, s’enfonce dans l’abîme du son.

    Hors langage, dans un espace-son défaisant ceux de la perception habituelle, dans une « dissolution de la durée au profit d’un son suspendu », la musique sérielle ne peut cependant manquer de raviver la question du beau de façon cruciale.

     

    « Au-delà du beau ? »

    Peut-on encore parler du beau dans la peinture actuelle, se demande notre collègue ? Si aujourd’hui de la beauté,« barrière extrême à interdire l’accès à une horreur fondamentale36Lacan J., « Kant avec Sade », Écrits, op. cit., p. 776. », le voile est arraché, la tendance de la peinture contemporaine irait plutôt vers l’objet « maintenant dénudé, désenclavé de toute chasuble idéale, un déchet ». Bacon en témoigne. Mais, note judicieusement Serge Cottet, « cette domination de l’objet-déchet réel37Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 57. » réduit trop souvent de nos jours « l’œuvre d’art à une marchandise38Ibid. » (Andy Warhol, Damien Hirst, Jeff Koons). Or la musique se veut rebelle à la marchandisation.

    Que dire alors des rapports entre musique et peinture contemporaines ? On peut certes soutenir qu’aujourd’hui musique et peinture utilisent « les mêmes métaphores [topologiques] que Lacan : déformations de surfaces, anamorphoses, sphères, tissages39Ibid. p. 58. ». Pour autant la musique contemporaine est-elle éclairée par cette comparaison avec la peinture ? Que Schoenberg ait revendiqué ses affinités avec Kandinsky, Boulez sa parenté avec Klee, que le travail du son réduit à une seule note de Scelsi évoque les monochromes d’Yves Klein ne prouve pas que les analyses concernant l’objet plastique puissent valoir pour la musique contemporaine40Notons qu’à l’inverse certains plasticiens revendiquent cette parenté : cf « À la limite de l’audible. Peindre avec la musique », Entretien avec Jacques Pourcher in OUÏ, En avant derrière la musique, La Cause du désir, op. cit., p. 203. – pas plus d’ailleurs que pour la musique classique.

    Demandons-nous plutôt, insiste Serge Cottet, s’il n’y a pas dans Lacan « une esthétique au-delà du beau, de la belle forme et du phallus, dont une source nouvelle serait la théorie du sublime kantien […] ?41Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 58. » Le sublime pour Kant s’éprouve lorsque nous avons à « faire le sacrifice » de l’harmonie et du « libre jeu » entre imagination et entendement, de l’accord entre notre imagination et notre subjectivité. Nous sommes alors impuissants à saisir la diversité des impressions sensibles, nous sommes arrachés à celles-ci (comme devant le spectacle d’un océan déchaîné42Kant E., Critique du jugement, livre II, Analytique du sublime, B-Du sublime dynamique de la nature, § 2-La nature comme puissance, trad. J Gibelin, 4e édition, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1960, p 88-89. « Des rochers surplombant audacieusement et comme menaçants, des nuages orageux s’amoncelant dans le ciel et s’avançant avec un cortège d’éclairs et de tonnerre […] ; des ouragans qui laissent après eux la dévastation, l’océan sans borne dans sa fureur; les hautes cascades d’un fleuve puissant, etc…,voilà des choses qui réduisent à l’insignifiance, notre force de résistance comparée à leur puissance. Mais leur aspect est d’autant plus attrayant qu’il est plus terrible, si nous nous trouvons en sûreté ; et nous disons volontiers de ces choses qu’elles sont sublimes, parce qu’[…] elles nous font découvrir en nous-mêmes une faculté de résistance d’un tout autre genre qui nous donne le courage de nous mesurer avec l’apparente toute-puissance de la nature ».) mais cela provoque en nous un conflit dont « nous nous défendons43Kaufman P., Intervention dans le Séminaire du Dr Lacan « L’éthique de la psychanalyse », 15 Juin 1960, disponible sur Internet. » en éprouvant le sentiment de la puissance de notre nature suprasensible, raison ou liberté. L’échec de l’imagination, si présent dans la musique contemporaine, n’a pas le même effet que l’échec de l’imagination dans le sublime kantien. Il fait s’éprouver plutôt « une voie vers l’illimité, l’informe, le difforme », qui dépasserait « l’alternative : ou beauté idéale ou objet a déchet »44Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 58..

    Serge Cottet livre alors une autre hypothèse, qui me semble plus décisive : ces musiciens tenteraient de « réintroduire dans la musique ce qu’elle a expulsé pour se constituer. C’est le retour du refoulé musical tenu en laisse depuis des siècles : le bruit, le grincement, le souffle, le cri, la dissonance pour elle-même, la fausse note, etc. » et même « le son sale, distordu, violent, visionnaire » dont parle Romitelli, musicien avant-gardiste. Musique « qui reste en travers de la gorge de l’ordre symbolique classique » et qui « repousse au plus loin les limites de l’inaudible pour décevoir toute tentative de recherche d’un message »45Ibid., p. 59.. Musique qui « déchire bruyamment l’oreille46C’est ce qui avait déjà été reproché à Beethoven à propos de sa première symphonie ; cf Beethoven par Bernard Fauconnier, folio, Gallimard, Pais, janvier 2024, p. 88. ». Le sublime n’y est pas convoqué.

    « Pourtant sur un autre versant, la révolution technologique et sonore a favorisé les tendances mystiques des grands compositeurs47Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 59. », note Serge Cottet. Au-delà de « la haute spiritualité48Ibid. » du Quatuor pour la fin du temps de Messiaen, ce qui apparaît est « renouveau du sentiment océanique49Ibid. », « effet de transe50Rouget G., La Musique et la transe, Paris, Gallimard, 1980. », « mysticisme hiératique qui caractérise le minimalisme d’un La Monte Young inspiré des traditions indiennes », « mystique du son » chez Scelsi, voire tradition des derviches tourneurs avec Terry Riley : c’est le « mythe ésotérique de la vibration » qui prévaut. Mais cela n’a été le plus souvent possible qu’au prix d’une « non-extraction de l’objet voix », et de la disparition de « l’effet d’étrangeté qu’elle produit »51Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 60. car celle-ci n’est traitée que comme un instrument parmi d’autres. Il ne reste que le son pour favoriser cette élation.

    S’agit-il, avec ce « renversement d’un code symbolique qui trace une limite à ce qui est audible et ce qui ne l’est pas », s’agit-il d’une « musique du réel » ? Et qu’entendre par là ? Ici va se poser la question du corps. Et de celui de l’auditeur notamment.

     

    « Écho dans le corps : pulsion ou pulsation ? »

    Est-ce « par l’entremise du corps que la psychanalyse aurait du nouveau à dire sur la musique, notamment contemporaine ? » interroge Serge Cottet. Il s’intéresse alors au livre Pourquoi la musique ? de Francis Wolff, philosophe contemporain, qui exclut tout sérialisme dans la musique. En effet, ce que ce dernier considère être « les invariants constitutifs de toute musique » sont « la pulsation, la mesure et le rythme »52Ibid., p 61.. Ces invariants auraient une base biologique : la pulsation isochrone « qui vient de notre propre corps, ou de l’exigence de régularité qui l’anime : battements cardiaques, respiration, marche, etc.53Wolff F., Pourquoi la musique ? op. cit., p. 108. », forme qui se répète, selon les thèses de la Gestalt theory. Dans cette perspective, toute la musique spectrale est condamnée au nom du fait qu’« elle ne peut avoir aucun effet moteur sur le corps54Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 62. » qui serait un « corps comptant55Ibid. », sorte « d’inconscient corporel » ayant incorporé le rythme. Que dire alors des musiques qui propulsent l’auditeur dans la pure contemplation comme le plain-chant grégorien, qui n’aurait aucun effet moteur sur le corps ?

    Cette thèse, note Serge Cottet, se heurte au fait que la prétendue pulsation ne repose sur aucun rythme naturel, ne fait en rien « caisse de résonance56Ibid., p. 63. » comme la danse, qui, selon Francis Wolff, manifeste ce rythme. Car « la musique contemporaine n’est pas propre aux ballets ; les tentatives d’un Pierre Henri avec Béjart ont fait long feu. Il faudrait distinguer les ballets de Béjart du tango57Ibid. », ironise-t-il. Bref, cette thèse est « pur fantasme ». Il rappelle qu’à l’inverse un Jean-François Lyotard a cherché des justifications à la musique de John Cage dans « l’élaboration freudienne de la pulsion de mort : silences, grincements, tension supérieure, dépression profonde. Cage crée des events : dissonance, stridence, silence exagéré, laideur. Justement, tout ce qui est rejeté par l’unité d’un corps harmonieux58Cité par Cottet S. : Lyotard J.-F., « Plusieurs silences », in Des dispositifs pulsionnels, Ed. 10-18, Paris, 1973, p. 282. ». Quant à Deleuze et Guattari, ils ont acté l’abandon de la métaphore linguistique au profit des métaphores énergétiques. Pour eux, « l’essentiel n’est plus dans les formes et les matières, ni dans les thèmes, mais dans les forces, les densités, les intensités59Cité par Cottet S. : Deleuze G., Guattari F., Mille Plateaux, Paris, Minuit, 1980, pp. 422-423. ».

    Serge Cottet se demande alors : « Mais de quel corps parle-t-on ? Le corps dansant est-il sous la dominance d’une pulsion ? Il n’est pas sûr que tout ce qui fait jouir le corps soit d’ordre pulsionnel ». Serge Cottet rappelle que « les tendances cosmiques de la musique évoquées plus haut prétendent d’ailleurs éjecter le corps tout entier, tel un grand huit infini dans l’espace ».

    En réponse à Francis Wolff, il avance : « À cette conception du corps biologique comme caisse de résonance, réceptacle, et écho, nous opposerons un corps érogène défini par la pulsion et l’objet a pour s’accorder aux nouvelles musiques ». La pulsion n’a pas de rythme ; « au contraire, rappelle Lacan après Freud, elle n’a “pas de jour, pas de nuit” ; elle est imprévisible, sans loi, sa poussée est constante ». « Si la musique a un rapport avec la pulsion, c’est un montage [dans un collage] surréaliste, un bric-à-brac »60Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 63. et « c’est au contraire, pour contredire l’aléatoire de la pulsion, que le corps jouit d’un rythme qu’il contrôle. C’est pourquoi l’introduction de l’aléatoire, de la surprise, et autres phénomènes disruptifs en musique postsérielle est plus proche du réel pulsionnel que de la valse à trois temps. Chercher une analogie entre pulsation rythmique et pulsion corporelle est un contresens61À cet égard, « la danse est une sublimation de la pulsion, un triomphe sur elle, l’illusion d’une maîtrise de la pulsion ». ».

    Il fallait que cela fût dit.

    À cet égard, « l’objet a en musique n’est pas le réel nu de l’inaudible, mais le couac qui défait toute signification et tout confort harmonieux ». Et de fait, avance Serge Cottet, « la dissonance, les nœuds, n’est-ce pas ce que l’inconscient a de commun avec la musique moderne : une grimace du réel ? ». « Comme les applications de l’électroacoustique, l’espace-son, la sphère, les nœuds sont les paradigmes incontournables pour penser la musique aujourd’hui », avance-t-il. Ainsi, « les lacaniens devraient-ils être sensibles à la musique de notre temps ! »62Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 64.

    J’ajouterais cependant qu’il y a diverses dissonances. Il y a une grande différence entre les Viennois du XXe siècle à commencer par Schoenberg, qui éduquent et révolutionnent le sens de l’ouïe, et d’autres musiciens de ce même XXesiècle qui poussent parfois jusqu’à la provocation leurs recherches expérimentales dans des expériences-limites de cacophonie (sans heureusement prétendre pour autant se réduire à celles-ci). Une grande différence aussi entre la tendance à l’abstraction de Pierre Boulez (déjà présente dans Le Marteau sans maître) et Iannis Xenakis, collaborateur de Le Corbusier, qui promouvait une musique non aléatoire (contrairement à John Cage), en intégrant des mesures de procédés stochastiques, et en s’opposant au « pointillisme de la note que la musique postsérielle promouvait63Cottet S., L’Âne, op. cit., p. 35. ».

    Et puis, il y a des musiciens contemporains qui, après avoir été séduits par la musique minimaliste, ont inventé autre chose : je pense à John Adams dont l’opéra Nixon in China fut joué et chanté l’an dernier à l’opéra Bastille à Paris. Je pense aussi à Arvo Pärt, l’Estonien, compositeur de musique sérielle au début des années 1960, vilipendé par les autorités soviétiques, qui inventa ce qu’il appelle « le style tintinnabuli » (clochettes) car « les trois notes d’un accord parfait sont comme des cloches », style d’une grande pureté. Sans oublier Pascal Dusapin, qui, après avoir été l’élève de Xenakis, a écrit au XXIe siècle, à partir de grands textes classiques64Roméo et Juliette, Didon et Énée en face de celui de Purcell, Medeamateriale, Faustus, Penthésilée, Macbeth., des opéras dans lesquels l’électronique est très discrète.

    Pour conclure son essai, Serge Cottet remarque que les psychanalystes, sensibles au silence, au soupir, au murmure, mais aussi aux couacs, à l’impossible à dire, ne devraient pas avoir les oreilles « écorchées par la saturation et la dissonance65Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 64. ».

    Le dialogue de Serge avec nous aurait pu se poursuivre… Sur la musique et sur la psychanalyse ! Comme il l’écrivait au soir de sa vie dans un dernier texte qu’il n’a pu prononcer, reprenant le mot de Goethe commenté par Lacan66Lacan J., « La psychanalyse et son enseignement », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 446. : quand « ce qui est sans vie est vivant, il peut aussi bien produire la vie67Cottet S., « Les années d’apprentissage de la psychanalyse », La Cause du désir n° 98, Navarin éditeur 2018, p. 196 à 199. ».

  • 1
    Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », Ouï ! En avant derrière la musique, La Cause du désir, Hors-série, numéro numérique, Navarin éditeur, 2016, p. 50.
  • 2
    Xenakis I., « La passion mathématique », L’Âne, Le Magazine freudien, Mai-Juin 1983, n° 10, pp 14-15.
  • 3
    Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p 50.
  • 4
    Ibid.
  • 5
    Ibid., p. 51.
  • 6
    Cité par Serge Cottet : Solomos M., De la musique au son. L’émergence du son dans la musique des XXe et XXIesiècles, Rennes, PUR, 2003, p. 76.
  • 7
    Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 52.
  • 8
    Ibid : « Avec Stockhausen, une œuvre telle que Momente (1962) réalise ce mixage de l’orchestre avec voix de soprano et percussions, où se juxtaposent tous les collages possibles ; bric-à-brac de bruits et d’éclats de voix, d’onomatopées, de mots étrangers, de rires et de claquements de langue, de bouts de poèmes de William Blake et du Cantique des cantiques. C’est comme une sorte d’association libre ; telle est l’analogie qui s’impose avec la psychanalyse […]. Il faut voir (sur Youtube) Stockhausen diriger ce tourbillon sonore avec une passion, un peps irrésistibles, une présence qui seule permet, en s’accrochant à un regard, de ne pas sombrer dans le maelström d’une musique pleine de bruit et de fureur, signifying nothing. »
  • 9
    Ibid.
  • 10
    Ibid., p. 53.
  • 11
    Ibid.
  • 12
    Ibid., p. 54.
  • 13
    Lévi-Strauss C., Le cru et le cuit, Paris, Plon, 1964, p. 32.
  • 14
    Ibid.
  • 15
    Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 54.
  • 16
    Boulez P., Penser la musique aujourd’hui, Paris, Ed. Gonthier, 1963, p. 31.
  • 17
    Xenakis I., Musique de l’architecture. Textes, réalisations et projets architecturaux choisis…, Marseille, Ed. Parenthèse, 2006, p. 353. Cité par Makis Solomos, in De la musique au son. L’émergence du son dans la musique des XXe et XXIe siècles, Presse Universitaires de Rennes, 2013, p. 495.
  • 18
    Solomos M., op. cit., p. 495
  • 19
    Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 55.
  • 20
    « Dans une lettre à John Cage, il écrit : « Il nous reste à aborder le vrai “délire” sonore et à faire sur les sons une expérience correspondante à celle de Joyce sur les mots ». Correspondance Cage/Boulez, 1949-1952, janvier 1950.
  • 21
    Ruwet N., Revue belge de musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap, Vol. 20, No. 1/4 (1966), p. 92.
  • 22
    Ibid.
  • 23
    Ibid.
  • 24
    Lacan J., « La chose freudienne », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 410.
  • 25
    Cf. Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 58.
  • 26
    Solomos M., op. cit. p. 442.
  • 27
    Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 56.
  • 28
    Ibid.
  • 29
    Solomos M., op. cit., p. 301.
  • 30
    Lacan J., Le Séminaire, livre IV, La relation d’objet, Paris, Seuil, 1994, p. 371.
  • 31
    Il associe à cette référence au planétarium les pièces Octophonie (1990) et Weltraum (1994).
  • 32
    Le Noir de l’étoile avec Gérard Grisey et Jean-Pierre Luminet , 6 janvier 2014. Les pulsars définis par Jean-Pierre Luminet sont des vestiges d’une étoile ayant explosé et ayant laissé en son centre un résidu qui tourne sur lui-même très rapidement et qui a un champ magnétique très fort de sorte que cette étoile pulsar fonctionne comme un phare cosmique : deux points chauds dans l’étoile émettent un faisceau très mince de rayonnement radio et, lorsque ce rayonnement radio balaye la ligne de visée de la terre, avec un radiotélescope on capte une impulsion de rayonnement et les sons entendus, les coups sont le reflet de la rotation régulière de l’étoile, donc de véritables métronomes cosmiques, chacun ayant son rythme propre parce que les pulsars tournent à des vitesses différentes. Disponible sur youtube.
  • 33
    Serres M., « Musique et bruit de fond » (1968), in Michel Serres, Hermès II. L’interférence, Paris, Minuit, 1972, pp. 189-190.
  • 34
    G. Scelsi, cité par E. Restagno. « Scelsi et les sphinx sonores », livret du CD Giacinto Scelsi, Salabert actuel, 1990, p. 11.
  • 35
    Solomos M., op. cit., p. 432.
  • 36
    Lacan J., « Kant avec Sade », Écrits, op. cit., p. 776.
  • 37
    Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 57.
  • 38
    Ibid.
  • 39
    Ibid. p. 58.
  • 40
    Notons qu’à l’inverse certains plasticiens revendiquent cette parenté : cf « À la limite de l’audible. Peindre avec la musique », Entretien avec Jacques Pourcher in OUÏ, En avant derrière la musique, La Cause du désir, op. cit., p. 203.
  • 41
    Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 58.
  • 42
    Kant E., Critique du jugement, livre II, Analytique du sublime, B-Du sublime dynamique de la nature, § 2-La nature comme puissance, trad. J Gibelin, 4e édition, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1960, p 88-89. « Des rochers surplombant audacieusement et comme menaçants, des nuages orageux s’amoncelant dans le ciel et s’avançant avec un cortège d’éclairs et de tonnerre […] ; des ouragans qui laissent après eux la dévastation, l’océan sans borne dans sa fureur; les hautes cascades d’un fleuve puissant, etc…,voilà des choses qui réduisent à l’insignifiance, notre force de résistance comparée à leur puissance. Mais leur aspect est d’autant plus attrayant qu’il est plus terrible, si nous nous trouvons en sûreté ; et nous disons volontiers de ces choses qu’elles sont sublimes, parce qu’[…] elles nous font découvrir en nous-mêmes une faculté de résistance d’un tout autre genre qui nous donne le courage de nous mesurer avec l’apparente toute-puissance de la nature ».
  • 43
    Kaufman P., Intervention dans le Séminaire du Dr Lacan « L’éthique de la psychanalyse », 15 Juin 1960, disponible sur Internet.
  • 44
    Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 58.
  • 45
    Ibid., p. 59.
  • 46
    C’est ce qui avait déjà été reproché à Beethoven à propos de sa première symphonie ; cf Beethoven par Bernard Fauconnier, folio, Gallimard, Pais, janvier 2024, p. 88.
  • 47
    Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 59.
  • 48
    Ibid.
  • 49
    Ibid.
  • 50
    Rouget G., La Musique et la transe, Paris, Gallimard, 1980.
  • 51
    Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 60.
  • 52
    Ibid., p 61.
  • 53
    Wolff F., Pourquoi la musique ? op. cit., p. 108.
  • 54
    Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 62.
  • 55
    Ibid.
  • 56
    Ibid., p. 63.
  • 57
    Ibid.
  • 58
    Cité par Cottet S. : Lyotard J.-F., « Plusieurs silences », in Des dispositifs pulsionnels, Ed. 10-18, Paris, 1973, p. 282.
  • 59
    Cité par Cottet S. : Deleuze G., Guattari F., Mille Plateaux, Paris, Minuit, 1980, pp. 422-423.
  • 60
    Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 63.
  • 61
    À cet égard, « la danse est une sublimation de la pulsion, un triomphe sur elle, l’illusion d’une maîtrise de la pulsion ».
  • 62
    Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 64.
  • 63
    Cottet S., L’Âne, op. cit., p. 35.
  • 64
    Roméo et Juliette, Didon et Énée en face de celui de Purcell, Medeamateriale, Faustus, Penthésilée, Macbeth.
  • 65
    Cottet S., « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 64.
  • 66
    Lacan J., « La psychanalyse et son enseignement », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 446.
  • 67
    Cottet S., « Les années d’apprentissage de la psychanalyse », La Cause du désir n° 98, Navarin éditeur 2018, p. 196 à 199.