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Références de Jacques Lacan

Claudel dans Le Séminaire, livre XV, de Lacan. Protée, Ponce Pilate, le Pire…

Lecture de François Regnault, avec un texte de Karim Bordeau

Paul Claudel
Références
Claudel dans Le Séminaire, livre XV, de Lacan. Protée, Ponce Pilate, le Pire…
Paul Claudel
Éditeur, ville

Gallimard

Pages

1371

Année

1985

02/12/2024
François Regnault, Karim Bordeau
  • Une première conversation avec Jacques Lacan, si je ne me trompe, eut lieu dans son jardin de Guitrancourt. Il venait de m’offrir son édition des Écrits qui venait de sortir.

    Nous en vînmes à parler de Claudel, admiré par moi depuis longtemps (l’influence maternelle), et que je savais qu’il tenait dans la plus haute estime. Nous évoquâmes sans doute sa traduction de l’Orestie d’Eschyle. Nous savions que la comédie qui suivait les trois tragédies, selon une fréquence régulière dans les représentations du Ve siècle av. J.-C. à Athènes, s’intitulait Protée. Et Lacan de s’écrier avec une certaine véhémence : « Car ce Protée, n’est-ce pas, nous ne l’avons pas perdu. Nous l’avons, c’est Claudel qui nous l’a rendu. »

    En effet, Claudel, après avoir traduit l’Orestie, s’était mis à réinventer ce Protée perdu. Dans une lettre à Darius Milhaud du 22 mai 1913, il parle du « drame satyrique dont je m’occupe en ce moment ».  Il écrit ailleurs : « Je suis en train de terminer les deux derniers drames de l’Orestie et d’écrire une grosse bouffonnerie ou drame satyrique pour lui faire suite. C’est le Protée dont nous n’avons gardé que le titre. »1P. Claudel, Théâtre II, Bibliothèque de la Pléiade, nrf, 1965, p.1428. Il avait commencé à traduire Eschyle en 1893.

    La tragédie Agamemnon fut publiée en 1912, celles des Choéphores et des Euménides en 1920. Protée, le « drame satyrique », Claudel en parle dès 1913.

    Il en fit deux versions, longtemps, les tentatives de représentation échouèrent. La seconde version fut publiée en 1927. Musique de Darius Milhaud. Une représentation eut lieu seulement en 1955, à la Comédie de Paris, quelques jours après la mort de Claudel. J’ai assisté à cette représentation. Claudel avait écrit une sorte de prologue le 2 février 1955, donc quelques jours avant sa mort (le 23 février). Un hommage fut lu par Jules Supervielle, si je me souviens, et il me souvient aussi que Madame Claudel était dans la salle. Lacan l’avait-il vue, ou seulement lu la pièce, je ne sais.

    Protée

    La scène se passe dans l’île de Naxos, Protée reçoit Hélène qui a fui Troie. La source en est l’Hélène d’Euripide ainsi que le récit de Ménélas au chant IV de l’Odyssée. On se rappelle peut-être cette allusion de Racine dans sa Préface d’Andromaque : « Combien Euripide a-t-il été plus hardi dans sa tragédie d’Hélène ? Il y choque ouvertement la créance commune de toute la Grèce. Il suppose qu’Hélène n’a jamais mis le pied dans Troie, et qu’après l’embrasement de cette Ville, Ménélas trouve sa Femme en Égypte, dont elle n’était point partie. Tout cela fondé sur une opinion qui n’était reçue que parmi les Égyptiens, comme on peut le voir dans Hérodote. »2Racine, Préface d’Andromaque. Œuvres complètes, I, Bibliothèque de la Pléiade, nrf, 1999, p.298. C’est le thème que Claudel reprend, avec, chez Protée dans l’île de Naxos, la rencontre de deux Hélènes, celle, fictive, qui revient de Troie avec Ménélas, et la vraie qui est restée à Naxos, et qu’il appelle Bridoison.

    Claudel relate, comme dans l’Odyssée, que Protée, lui, élève des phoques, et il invente qu’il leur fait résoudre des problèmes d’arithmétique (notamment la racine cubique de 27, qui est 3 !) tandis qu’Hélène se ravit de l’invention des « boutons (à) pressions », qu’elle découvre à Naxos, et il y a une très belle scène amoureuse entre les deux Hélènes qui occupe la fin de la pièce, avant que Ménélas revenu de Troie ne s’envole vers le ciel avec l’île de Naxos au bout d’un fil, et en enlevant… Bridoison, qui est la vraie Hélène ; car celle qui a accompagné Ménélas à Troie est une sorte de fantôme ! En effet, Héra est jalouse du choix qu’a fait Alexandre-Pâris de la plus belle d’entre les trois déesses, Cypris (Vénus), Athéna, et elle-même, et il a choisi Vénus ! Vénus, selon une version de la légende, avait d’ailleurs promis à Pâris de lui donner Hélène s’il votait pour elle ! Pâris aurait enlevé Hélène à Sparte après le départ de Ménélas pour Troie. Mais selon une autre version, pour punir Pâris de son choix, Héra lui aurait donc ôté son Hélène et lui aurait donné en échange une nuée semblable à elle, qu’elle lui avait façonnée, laquelle serait allée avec lui à Troie, cependant que la vraie Hélène était transportée par Hermès en Égypte.

    Dans le Prologue de l’Hélène d’Euripide, cette dernière déclare en effet : « Ce n’est pas moi qu’elle [Héra] donne au fils du roi Priam [Pâris]/ Mais elle compose avec du ciel une image qui respire, /Qu’elle fit semblable à moi. Et lui, pense m’avoir, / Mais je ne suis qu’une illusion vide ; il ne m’a pas. »3Euripide, Hélène, vers 33-35 (Traduction Jean et Mayette Bollack, Les éditions de minuit, 1997, p.14. La vraie Hélène reste donc sagement en gypte, où Ménélas viendra la retrouver.

    J’ai cité cette conversation sur Protée, dont le nom n’apparaît pas dans le Séminaire XV, parce qu’il fut alors question de Claudel, mais Lacan cite Protée dans le Séminaire IX4Lacan J., Le Séminaire IX, L’identification, leçon du 15 novembre 1961, inédite..

    « Il y avait, dit Lacan, quelque chose de cet ordre – de l’ordre de l’identification, éminemment – qui était intéressé, vous vous souvenez, dans ce point où j’ai laissé mon propos l’année dernière, à savoir au niveau où, si je puis dire, “la nappe humide” à laquelle vous vous représentez les effets narcissiques qui cernent ce roc, ce qui restait émergé dans mon schéma. [Suit un schéma de deux rocs semblables.] Ce roc auto-érotique dont le phallus symbolise l’émergence : île en somme battue par l’écume d’Aphrodite, fausse île d’ailleurs, puisque aussi bien, comme celle où figure le Protée de Claudel, c’est une île sans amarre, une île qui s’en va à la dérive. Vous savez ce que c’est que le Protée de Claudel : c’est la tentative de compléter l’Orestie par la farce bouffonne qui, dans la tragédie grecque, obligatoirement la complète, et dont il ne nous reste dans toute la littérature que deux épaves de Sophocle, et un Héraclès d’Euripide, si mon souvenir est bon. »

    Ma conversation avec Lacan avait lieu le jour même du mariage de Jacques-Alain Miller et de Judith à Guitrancourt, le 12 novembre 1966. Et ce souvenir m’est cher.

    Le Séminaire XV

    Dans Le Séminaire, livre XV, dont nous nous proposons de commenter dans cet article(,) les allusions à Claudel, Lacan dit :

    « L’acte psychanalytique prend-il en charge la vérité ? Il a bien l’air, mais qui oserait prendre en charge la vérité sans attirer la dérision ? Dans certains cas, je me prends pour Ponce Pilate. Celui-ci n’a eu qu’un tort, dit Claudel dans une jolie image, celui de poser la question Qu‘est-ce que la vérité ? car il tombait mal, c’est le seul qui l’ait posée devant la Vérité. Ça l’a foutu un peu de côté.  D’où il résulte – c’est Claudel qui a inventé ça5P. Claudel, « Le point de vue de Ponce-Pilate », dans « Figures et paraboles », Œuvres en prose, Bibliothèque de la Pléiade, nrf, 1965, p. 909-920. – que, quand il se promenait par la suite, toutes les idoles voyaient leur ventre s’ouvrir dans une dégringolade, avec un grand bruit de machine à sous. Je ne pose pas la question, ni dans un tel contexte ni avec une telle vigueur, pour que j’obtienne ce résultat, mais enfin, quelquefois, ça approche. »6Lacan J., Le Séminaire, livre XV, L’acte analytique, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil & Le Champ freudien, 2024, p.82.

    Bien entendu, Lacan fait allusion à l’entretien entre Ponce Pilate et Jésus, lorsqu’on charge le Procurateur de l’interroger, comme en témoignent les quatre Évangiles.

    Citons celui de saint Jean :

    « Donc tu es roi ? », lui dit Pilate – « Tu le dis ! Je suis roi, répondit Jésus, /et je ne suis né / je ne suis venu dans le monde/que pour rendre témoignage à la vérité. /Quiconque est de la vérité écoute ma voix. »

    Pilate lui dit : « Qu’est-ce que la vérité ? » Sur ce mot, il sortit de nouveau et alla vers les Juifs. Il leur dit : « Je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. »

    Il leur propose alors de relâcher quelqu’un, comme c’est la coutume de la Pâque, et il leur propose « le roi des Juifs ». Mais les Juifs demandent de relâcher Barabbas, et de crucifier Jésus. (Jean, chap. XVIII – XIX).

    Claudel écrit un texte plein d’esprit et d’humour en imaginant un Ponce Pilate « fonctionnaire colonial », entièrement dévoué à des questions administratives, juridiques et politiques, dans l’ignorance complète que l’accusé auquel il a affaire est Jésus-Christ. Il mesure bien que cette affaire étrange a des conséquences incompréhensibles, dans une « circonstance exceptionnelle », et il affirme même : « Il n’y a pas d’innocents contre l’Ordre public. Ce serait un dieu lui-même qui aurait été amené à mon prétoire que je n’aurais pas jugé autrement. »7P. Claudel, Œuvres en prose, op.cit., p.913.

    Il commence par se dire accompagné de « mes dieux à moi » : « Ce sont ces cinq bons petits lares administratifs qui m’ont toujours fourni un bon service au cours de mes déplacements. » On ne sait trop ce dont il s’agit. Il les appellera plus loin son « Panthéon portatif » qui s’évadera plus tard. Il les oppose aux « ignobles superstitions asiatiques », auxquelles appartient à ses yeux le culte des Juifs. Il est troublé par des phénomènes anormaux : ses poulets venus de Rome qui refusent de manger. « Où est la vérité ? » se demande-t-il, sans savoir que c’est la question même qu’il posera au Christ, et celle sur laquelle il finira son enquête, avec le fameux « Voici l’Homme ! » qu’il prononce lorsqu’il remet le Christ aux Juifs, revêtu de la couronne d’épines et du manteau pourpre, ne trouvant en lui aucun motif de condamnation. [Jean XIX, 5]

    Claudel, d’ailleurs, de façon subtile, passe à plusieurs reprises de la troisième personne à la première, tantôt décrivant Pilate et tantôt parlant en son nom. Il lui prête même, vers la fin, l’expression : « Mes habitudes de ventriloque », comme pour montrer que le point de vue de Pilate est quelque peu équivoque, voire double.

    Il évoque même la destinée postérieure de Pilate en disant qu’« Une tradition nous affirme qu’il fut envoyé en exil dans la Haute-Garonne, non loin du lieu où dans une autre villa le tétrarque Hérode lui-même en compagnie de son Hérodiade terminait bourgeoisement  une carrière mouvementée. »8Ibid. p.916.

    Il est même délégué à Ardée, capitale des Rutules, pour remettre une couronne de feuillage au Jupiter local. Et Claudel de citer un vers de Virgile [Énéide VII, vers 412-3] « et nunc manet Ardea nomen/ Sed fortuna fuit », « Et aujourd’hui ce grand nom d’Ardée demeure. / Mais sa splendeur a passé. »9Ibid. p.917.

    Et Claudel raconte qu’au cours d’un hommage de Pilate à Jupiter, la statue du dieu « s’inclinait de plus en plus sur la cérémonie […]. Finalement la condescendance du dieu s’accentua à tel point que son équilibre y succomba et qu’avec un bruit et une poussière énormes il s’écroula sur les officiants et littéralement, je ne trouve pas d’autre expression, les écrabouilla. »10Ibid. p.917. La statue, en outre, se fend et livre une épouvantable odeur du guano conservé en elle depuis des siècles. En somme, c’est comme si la présence de celui qui avait livré le Christ portait malheur aux cultes païens. Et le Procurateur maudit d’évoquer tous les effets destructeurs qui jalonneront le reste de sa carrière !

    L’imagination de Claudel est sans limite : « Je fis crever l’antique python de l’Esquilin et la main du divin Jules devant moi lâcha le rouleau de l’Anti-Caton. » (Un ouvrage de César contre l’éloge de Caton par Cicéron). Il y ajoute une autre référence savante à Virgile : « Annuit et totum nutu tremefecit Olympum. » « Il fit un signe de tête et l’Olympe tout entier en trembla. »  [Énéide, IX, 106] Claudel transforme ici un vers de Virgile qui concerne un signe de tête d’Énée en l’éternuement d’un simulacre de Vénus, troublée par quelques grains d’encens allumés devant elle par Pilate !11Ibid., p.918-919.

    Enfin, au cours d’une « tournée fiscale » chez un vieux richard dont il doit découvrir la fortune cachée, la panse d’un Dieu de la Fortune pivote et fait découvrir le contenu d’un magot exorbitant.

     Je précise ces références pour montrer combien Claudel s’amuse avec une espèce d’érudition inspirée du paganisme, singeant peut-être à dessein de trop savants spécialistes de l’Antiquité.

    « Qui donc de moi, contre tous mes goûts, se demande-t-il, a fait ainsi un casseur de dieux ? »  – « Quelle contagion ai-je contractée dans ce curieux pays où l’un des commandements principaux de la Loi religieuse est : Tu ne feras point de sculpture ? »12Ibid. p.919-920. Comme s’il était voué sans le savoir à ce que se détruisent les statues des dieux auxquels il croit, à défaut de Celui qu’il n’a pas reconnu.

    Le centre de son souvenir est d’ailleurs celui du visage de Jésus : « Et comment se fait-il que de cet Inconnu gigantesque qui se tenait devant moi, […] et que j’avais à acheminer à son destin, il me soit impossible de me rappeler aucun trait ? Quel était son visage ? Comme si je ne l’avais jamais vu. Mais plus que tout, ce qui me tourmente, c’est la dernière question que j’ai posée et dont il est impossible de me rappeler les termes. À ce moment j’ai été appelé hors du prétoire et je n’ai pas eu le temps d’attendre la réponse. »13Ibid. p.914.

    Sans doute est-ce à ce passage que Lacan fait allusion : le seul qui ait posé la question de la vérité « devant la Vérité ».

    Et comment ne pas ajouter que si Jésus avait bien dit « Je suis la voie, la vérité, la vie » [Jean, XIV, 6], la vérité selon Lacan, elle, dit : « Moi, la vérité, je parle. »14« La Chose freudienne », dans Écrits, Seuil, Paris, 1966, p.409.

     À entendre non comme « Moi je vous parle », mais comme, « La vérité, elle parle : ce que fait la vérité, c’est parler. »

    Lacan, lui, se borne à dire seulement : « Je dis toujours la vérité : mais pas toute, parce que toute la dire, on n’y arrive pas. »15Lacan J., Télévision, Seuil, 1973, p.9. Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 509.

    Certes, le Christ se dit ici la vérité, non la parole, du moins pas ici (le Verbe). Cependant, Lacan se plaît à citer aussi en grec, comme épigraphe du chapitre II de son article « Fonction et champ de la parole et du langage »16Lacan J., « Fonction et champ de la parole et du langage », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p.266., cette autre parole du Christ selon saint Jean [VIII, 25], qui, à la question des Juifs « Qui es-tu », donne encore cette réponse, traduite selon la Bible de Jérusalem, tantôt par : « D’abord ce que je vous dis. J’ai beaucoup à vous dire (en grec lalô, du verbe laleô, parler, dire) », tantôt par : « Absolument ce que je vous dis. » « Texte très difficile » dit d’ailleurs cette édition.

    Dans cette épigraphe en grec, Lacan semble vouloir dire plutôt : « Ce que je vous dis depuis le début », et c’est suivi de son adage « Faites des mots croisés. »

    Quant à : « Moi la vérité je parle », s’il est quelqu’un, selon Lacan, non qui soit la vérité, mais qui la dise, il est clair que c’est Freud : « Mais voici que la vérité dans la bouche de Freud prend ladite bête aux cornes : “Je suis donc pour vous l’énigme de celle qui se dérobe aussitôt qu’apparue, hommes qui tant vous entendez à me dissimuler sous les oripeaux de vos convenances. […] Où vais-je donc passée en vous, où étais-je avant ce passage ? Peut-être un jour vous le dirai-je ? Mais pour que vous me trouviez où je suis, je vais vous apprendre à quel signe me reconnaître. Hommes, écoutez, je vous en donne le secret. Moi la vérité, je parle.”»17Lacan J., « La chose freudienne », p.408-409.

    Et s’ensuit, fondée sur la thèse de l’inconscient structuré comme un langage, non pas la thèse théologique de l’unique Vérité éternelle et toute, bien entendu, mais, différente, presque opposée, cette réponse-ci de la vérité : « Je vagabonde dans ce que vous tenez pour être le moins vrai par essence : dans le rêve, dans le défi au sens de la pointe la plus gongorique et le nonsense du calembour le plus grotesque, dans le hasard, et non dans sa loi, mais dans sa contingence, et je ne procède jamais plus sûrement à changer la face du monde qu’à lui donner le profil du nez de Cléopâtre. »18. Ibid. p.410 (Rappelons le mot de Pascal : « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la terre en aurait été changée. »)

    Et pour finir : « Cherchez, chiens que vous devenez à m’entendre, limiers que Sophocle a préféré lancer sur les traces hermétiques du voleur d’Apollon qu’aux trousses sanglantes d’Œdipe, sûr qu’il était de trouver avec lui au rendez-vous sinistre de Colone l’heure de la vérité. Entrez en lice à mon appel et hurlez à ma voix. Déjà vous voilà perdus, je me démens, je vous défie, je me défile : vous dites que je me défends. »19Ibid. p, 411.

     

    Du côté de Sophocle

    L’hypothèse de Lacan dans ce dernier passage, est la suivante : On a volé les vaches et les bœufs d’Apollon. Silène et sa troupe de satyres partent à sa recherche. Les satyres ne parviennent pas à retrouver le voleur, mais près de la grotte du mont Cyllène, ils trouvent la mère d’Hermès [les traces « hermétiques »]. Cette dernière leur dit qu’elle se cache avec son enfant pour qu’Héra ne sache pas qu’elle l’a eu d’une relation avec Zeus. Or cet enfant précoce a créé un instrument, la lyre, avec une carapace de tortue, et les satyres devinent qu’il a utilisé sur la carapace de la tortue la peau d’une des vaches volées à Apollon ; mais la mère refuse qu’on accuse de vol un fils de Zeus. Ce que je viens de raconter, c’est le prologue des Limiers (les satyres chasseurs), une tragédie de Sophocle dont on a retrouvé en 1912 des fragments en Égypte. Le reste du texte est perdu. Lacan suppose donc que Sophocle a préféré consacrer une recherche à cette perte de troupeaux, sûr qu’il était par ailleurs de retrouver Œdipe près de Colone (sa ville natale à lui, Sophocle). Est-ce parce qu’on trouverait toujours le lieu d’Œdipe, bien que les destins eussent dit qu’Œdipe porterait bonheur à Athènes en la protégeant depuis sa tombe, à condition qu’on ne sût jamais où elle se trouverait ! Dois-je en conclure que l’idée de Lacan, dans ces paroles finales de la vérité, est qu’on trouverait plus facilement Œdipe (ou un Œdipe selon Freud ?), que tout un troupeau perdu ? Autrement dit : « à l’heure de la vérité », la rencontre à Colone, ainsi que son caractère mortel. Et la conclusion : hommes, vous voilà perdus, si vous ne suivez pas les défilés du signifiant, si vous m’accusez, moi la vérité, de me démentir, de vous défier, de me défiler, de vous opposer une résistance !

    Dans les allusions à Claudel que contient le Séminaire XV, il y a d’ailleurs celle-ci, qui clôt le chapitre IX, intitulé « Mise en question du sujet supposé savoir » : « Ils ne s’aperçoivent pas [les logiciens], chacun son point noir, que la fonction de la logique, c’est que soit dûment résorbée, escamotée, la question du sujet supposé savoir. En logique, ça ne se pose pas. »20Lacan J., Le Séminaire, livre XV, op.cit., p. 179-180.

    Mais bien peu sûr de mon commentaire de ce texte énigmatique de Lacan sur ces chiens et ces limiers, je préfère me référer à une interprétation donnée par Karim Bordeau, enseignant en mathématiques, mais aussi, bon connaisseur de l’ensemble des textes de Lacan, parce qu’il me semble se référer à plusieurs textes propres à éclairer celui-ci. Voici ce qu’il a bien voulu m’écrire, ce dont je lui sais gré. Il reprend donc la sentence citée plus haut de la vérité qui parle :

      « Cherchez, chiens que vous devenez à m’entendre, limiers que Sophocle a préféré lancer sur les traces hermétiques du voleur d’Apollon qu’aux trousses sanglantes d’Œdipe, sûr qu’il était de trouver avec lui au rendez-vous sinistre de Colone l’heure de la vérité. »

    Il écrit donc  : « Pour mettre à plat le nœud impliqué par cette phrase, je me suis reporté dans un premier temps à la leçon du 19 mai 1955 du Séminaire II de Lacan, contemporaine de La Chose freudienne, prononcée le 7 novembre 1955. Dans cette fondamentale séance, il entend nouer le désir, la vie et la mort, et situer celui-ci dans son rapport à L’Au-delà du principe de plaisir de Freud.  Donne-t-il alors corps à son propos en prenant “l’exemple d’Œdipe quand il s’est accompli, l’au-delà d’Œdipe ?”21Lacan J., Le Séminaire, Livre II, Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique analytique, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1978, p 267. »

     « C’est dans Œdipe à Colone que Sophocle nous montre en effet le terme de l’existence d’Œdipe identifié in fine à cette parole : “Est-ce au moment où je ne suis rien que je deviens un homme ?” ; telle est la jaculation d’Œdipe lorsqu’assone son heure de vérité. Et le Chœur de s’écrier : “Mieux vaut, en fin de compte, n’être jamais né, et si l’on est né, mourir le plus vite possible.”»

    « Œdipe à Colone c’est “le drame essentiel du destin, l’absence absolue de charité, de fraternité, de quoi que ce soit qui se rapporte à ce qu’on appelle les sentiments humains.”22Ibid., p.269. À cette époque de son enseignement Lacan donne ─ dans l’esprit de ses graphes et de celui de la topologie des surfaces ─  à l’Au-delà de Freud la signification d’un masochisme primordial inaccessible à l’approfondissement conscient, et dont il trouve une articulation fondamentale dans Œdipe à Colone. Il est remarquable que Sophocle situe en effet Œdipe, à l’instant même où il se volatilise et se déchire, dans un lieu impossible, intervalle topologique séparant deux frontières, dont Lacan, dans son Séminaire Le transfert, propose, le 11 janvier 1961, la description suivante  : “La première frontière […] est celle où la vie s’achève et se dénoue. […] Cette frontière ne se confond pas avec celle de la seconde mort, que l’on peut définir sous sa forme la plus générale en disant que l’homme aspire à s’y anéantir pour s’y inscrire dans les termes de l’être.” »23Lacan J., Le Séminaire, Livre VIII, Le transfert, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2001, p. 120. Notons ici que le syntagme masochisme primordial est utilisé à différentes reprises par Lacan dans son Séminaire et ses Écrits : cf. Lacan J., Le Séminaire, livre XIV, La logique du fantasme, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil & Le Champ freudien, 2023, p.179. ; puis Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le désir et son interprétation, texte établi par J.-A. Miller, Paris, de la Martinière & Le Champ freudien, 2013, p.152 ; puis Lacan J., Écrits, op.cit., p.115, p.318. et p.344. Quant au nouage de la marque et de la jouissance comme « discours sur le masochisme » cf. Lacan J., Le Séminaire, livre XVII, L’envers de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1991, p.17-29 et p.51-52.

    « Disons qu’Œdipe ─ avec son au-delà à Colone ─ c’est ce lien ambigu entre la jouissance et la mort tel que Freud a pu l’apercevoir : celle-là étant une descente vers celle-ci comme limite. Sur ce point nodal, où se nouent vérité et jouissance, il convient de tenir compte des bascules ultérieures de Lacan. Elles sont multiples. J’en retiendrai essentiellement deux, évoquant incidement quelques autres.

    Celle du Séminaire Les non-dupes errent, où il montre qu’il n’y pas le moindre rapport inscriptible entre la jouissance et la mort24Cf. Lacan J., Le Séminaire, Livre XXI, Les non-dupes errent, séance du 18 décembre 1973, inédite.. Disons que le masochisme, dans l’esprit du nœud borroméen, c’est une façon de nouer le corps et la jouissance, la mort devenant corps et le corps devenant mort, et ce par le moyen de l’amour du père ou de l’amour divin. Glorification et beauté du corps en sont les corrélats essentiels, non sans le fantasme d’une éternisation. »25Cf. Ibid., Séance du 12 mars 1974.

    « Dans le Séminaire Le sinthome, le 10 février 1976, Lacan opère une autre bascule, en distordant la Chose freudienne, distinguant subtilement le vrai qui fait plaisir et le réel qui ne fait pas forcément plaisir : “Il est clair, dit-il, que c’est là que je distords quelque chose de Freud. Je tente de faire remarquer que la jouissance c’est du réel. Cela m’entraîne à énormément de difficultés, et d’abord parce qu’il est clair que la jouissance du réel comporte le masochisme, ce dont Freud s’est aperçu. Le masochisme est le majeur de la jouissance que donne le réel.”»26Lacan J., Le Séminaire, Livre XXIII, Le sinthome, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2005, p.78.

    On peut noter au passage que dans l’intervalle des séminaires XIV-XIX Lacan s’était employé à démontrer très précisément le lien de ce masochisme à la fonction de l’Un de la marque de la répétition. La formule pivot qu’il utise à cet égard, nouant singulièrement l’effet de cette  marque et la perte, est : Dans cette perspective le sujet masochiste prend la position du reste petit a de façon analogique.

      « Quoi qu’il en soit, le réel du nœud ouvre nouvellement une perspective de “guérison”, laquelle est “la réalisation du sujet par une parole qui vient d’ailleurs et qui le traverse.”27Lacan J., Le Séminaire, Livre II, Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique analytique, op.cit., p.272. Quant à « la jouissance masochiste » comme « jouissance analogique » cf. Lacan J., Le Séminaire, livre XVI , D’un Autre à l’autre, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Paris, Seuil, 2006, p.134. À partir de quoi quelque chose se déplace, en lançant le sujet, tel un limier, sur d’autres traces… où plaisir et jouissance se nouent autrement. La notion d’éternisation de l’objet ou de l’être est d’une certaine façon dévaluée au profit d’une contingence fondatrice d’un effet-sujet. »28Fin du texte de Karim Bordeau.

    Ce renvoi aux endroits où Lacan commente l’Œdipe à Colone consonne il est vrai avec une liaison de la jouissance et de la mort, issue tragique, mais peut-être non fatale si quelque chose comme « la seconde mort » y insinue ce que Lacan appelle « l’espace de l’entre-deux-morts ».29Lacan, J., Le Séminaire, Livre VIII, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1991, p.120.

    Et Lacan de terminer cette leçon IX ainsi : « C’est précisément parce que, là, le sujet supposé savoir n’est rien, et qu’ailleurs, il est fallace, que nous sommes entre les deux, à prendre appui sur la logique d’une part, sur notre expérience de l’autre. Nous pourrons au moins introduire une question dont il n’est pas sûr qu’elle soit à jamais sans effet sur la psychanalyse. Comme dit Claudel, Le pire n’est pas toujours sûr. »30Lacan, J., Le Séminaire, livre XV, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2024, p.180.

     

    Le Soulier de satin

    Il serait vain de prendre ici la formule de Claudel comme s’appliquant à la question du sujet supposé savoir en logique. Mais si elle s’applique à la psychanalyse, qu’est-ce à dire ?

    Retenons d’abord que cette formule est citée en tête du Soulier de satin : « Le soulier de satin, ou le pire n’est pas toujours sûr. » Je note aussi que cette formule, exprès très banale et plutôt optimiste, ne figure plus dans la « version pour la scène » de cette pièce.

    Si Lacan applique donc, en idée, à la psychanalyse, la sentence de Claudel qui sert de devise à sa pièce, cela semble sous la forme d’une sorte de plaisanterie, supposant peut-être que la cure analytique ne s’entreprend que pour « aller mieux ». Je le formule exprès sous sa forme la plus plate, sans oublier que les campagnes contre la psychanalyse combinent en général, de façon explicite ou secrète, des arguments qui ressemblent fort à ceux que Freud relève à propos du « chaudron » (pas rendu, rendu mais cassé, pas cassé, etc.) ; de même, selon un Media : la psychanalyse ne sert à rien, sans doute même nuit-elle plutôt, en outre on devrait l’interdire, et de toute façon elle a déjà pratiquement disparu. Le pire en est sûr.

    Je songe à la récente campagne assez laborieuse récemment fabriquée dans le magazine l’Express – à laquelle d’ailleurs Clotilde Leguil a fort bien répondu !

    Je voudrais seulement brièvement imaginer de quelle façon, dans l’esprit de Claudel, l’adage concerne le Soulier de satin.

     

    Ce que souhaite d’abord, au début de la pièce, le Père Jésuite, au sujet de son frère Don Rodrigue, c’est ceci : « Et s’il désire le mal, que ce soit un mal tel qu’il ne soit compatible qu’avec le bien. » On ne peut mieux dire ! (Première journée, scène première).

    Ou encore, cette sentence prononcée par Don Camille à Dona Prouhèze, quand il lui propose de le suivre à Mogador : « N’est-ce rien que ce rien qui nous délivre de tout ? » (Première Journée, Scène III)

    Ou encore : « C’est la joie seule qui est mère du sacrifice. »  (Première Journée, Scène VII). Ce paradoxe est dit par Don Rodrigue au Chinois.

    Ou cette sentence formidable : « Il n’y a rien pour quoi, l’homme soit moins fait que le bonheur et dont il se lasse aussi vite. »  (Scène X)

    Ne trouve-t-on pas des formules analogues, ou semblables, ou voisines, chez Lacan ?

    On pourrait même soutenir que Claudel n’est pas sans formuler la logique, elle aussi paradoxale, singulière, qui commande une relation amoureuse comme celle entre Dona Prouhèze et Don Rodrigue. C’est ce qu’expose la Lune dans la longue tirade, l’une des plus belles qui soient (c’est mon avis), qui clôt la Seconde Journée de la pièce, et qui en commande le déroulement et le dénouement : la Lune propose à Prouhèze le mot qui doit décider de son histoire avec Rodrigue, et ce mot c’est : « Jamais », « Jamais, Prouhèze ! » :

    « Jamais ! c’est là du moins une espèce d’éternité avec nous qui peut tout de suite commencer.

    « Jamais je ne pourrai cesser d’être sans lui et jamais il ne pourra cesser d’être sans moi. »31P. Claudel, Le Soulier de satin, deuxième Journée, scène XIV, Théâtre II, op.cit., p.779.

    Remarquez bien cette triple négation : « ne pourra », « cesser », « être sans »,  qui définit un rapport quasiment aussi impossible que le rapport (sexuel) qui n’existe pas, mais qui définit ici le rapport (non sexuel ?) entre cet homme et cette femme, une liaison qui ressemble à s’y méprendre à la formule de Lacan : « ne cesse pas de ne pas s’écrire » ; autrement dit l’impossible, c’est-à-dire le réel.32Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, Texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1975, p.87, 132. Alors que, selon Lacan, « Tout amour, de ne subsister que du cesse de ne pas s’écrire [contingent], tend à faire passer la négation au ne cesse pas de s’écrire [nécessaire] ne cesse pas, ne cessera pas. » [Ibid. p. 132].

    Comme si l’impossible, soit le pire, n’était pas sûr, puisqu’il est justement le réel ! Le réel qui revient toujours à la même place, quand ce qui a lieu, le contingent (qui cesse de ne pas s’écrire) et le possible (qui cesse de s’écrire) sont si vacillants !

    Certes, Claudel invente aussi le rapport heureux entre Dona Musique et le Vice-Roi des Indes, comme pour attester qu’un rapport pire, ce pourrait être justement celui entre Rodrigue et Prouhèze, puisque ceux-ci ne se rencontrent jamais que sur le chemin de ronde, à Mogador, dans ce baiser de leurs ombres mêlées, « l’Ombre double », dans cette conjonction réellement impossible : « Mais moi, de qui dira-t-on que je suis l’ombre ? non pas de cet homme ou de cette femme séparés, / Mais de tous les deux à la fois qui l’un dans l’autre en moi se sont submergés / En cet être nouveau fait de noirceur informe. » Autrement dit leur amour en vérité, mais à jamais. Cependant pas le pire,  même s’il y en a un autre qui semble meilleur.

    On comprend que nos théâtres ne supportent guère, voire plus du tout, de telles extravagances ! Aussi bien, sans aller jusqu’à la rencontre de Musique et du Vice-Roi de Naples, qui avaient imaginé chacun l’existence de l’autre avant même de se connaître, soit une sorte de rapport heureux, tandis que le « non-rapport » qui « réunit/sépare » les deux autres, Prouhèze et Rodrigue est la fable même du Soulier : entre ces amants qui pourtant, en quelque sept heures de spectacle, ne se rencontrent jamais devant nous, sinon au tout début, pour se quitter aussitôt, et l’instant d’une étreinte dans l’impossible Ombre double.

    Alors que, dans Partage de midi, les amants avaient eu le temps de se consacrer tout leur amour dans des scènes intenses allant jusqu’à presque échanger leurs sexes !

     Mais pourquoi ne pas conclure que tout ce que la psychanalyse a pu selon Lacan exposer sur l’amour, Paul Claudel l’a expérimenté dans sa vie, et exprimé sur le théâtre.

    « Où en tout ça, ce qui fait bon heur ? », demande Lacan dans Télévision. Il répond :« Exactement partout. Le sujet est heureux. »

    En quoi, en effet, le pire n’est pas toujours sûr.

    Et de conclure : « Heureusement que là nous avons le poète pour vendre la mèche. »33Lacan J.,Télévision, op.cit. p. 40. Autres écrits, op.cit. p.526. Dans ce contexte, le poète n’est pas Claudel, mais Dante. Qu’on me permette d’ajouter, à propos du pire, cette devise de Samuel Beckett (Mirlitonnades) : « En face le pire Jusqu’à ce qu’il fasse rire. »

  • 1
    P. Claudel, Théâtre II, Bibliothèque de la Pléiade, nrf, 1965, p.1428.
  • 2
    Racine, Préface d’Andromaque. Œuvres complètes, I, Bibliothèque de la Pléiade, nrf, 1999, p.298.
  • 3
    Euripide, Hélène, vers 33-35 (Traduction Jean et Mayette Bollack, Les éditions de minuit, 1997, p.14.
  • 4
    Lacan J., Le Séminaire IX, L’identification, leçon du 15 novembre 1961, inédite.
  • 5
    P. Claudel, « Le point de vue de Ponce-Pilate », dans « Figures et paraboles », Œuvres en prose, Bibliothèque de la Pléiade, nrf, 1965, p. 909-920.
  • 6
    Lacan J., Le Séminaire, livre XV, L’acte analytique, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil & Le Champ freudien, 2024, p.82.
  • 7
    P. Claudel, Œuvres en prose, op.cit., p.913.
  • 8
    Ibid. p.916.
  • 9
    Ibid. p.917.
  • 10
    Ibid. p.917.
  • 11
    Ibid., p.918-919.
  • 12
    Ibid. p.919-920.
  • 13
    Ibid. p.914.
  • 14
    « La Chose freudienne », dans Écrits, Seuil, Paris, 1966, p.409.
  • 15
    Lacan J., Télévision, Seuil, 1973, p.9. Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 509.
  • 16
    Lacan J., « Fonction et champ de la parole et du langage », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p.266.
  • 17
    Lacan J., « La chose freudienne », p.408-409.
  • 18
    . Ibid. p.410 (Rappelons le mot de Pascal : « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la terre en aurait été changée. »)
  • 19
    Ibid. p, 411.
  • 20
    Lacan J., Le Séminaire, livre XV, op.cit., p. 179-180.
  • 21
    Lacan J., Le Séminaire, Livre II, Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique analytique, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1978, p 267.
  • 22
    Ibid., p.269.
  • 23
    Lacan J., Le Séminaire, Livre VIII, Le transfert, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2001, p. 120. Notons ici que le syntagme masochisme primordial est utilisé à différentes reprises par Lacan dans son Séminaire et ses Écrits : cf. Lacan J., Le Séminaire, livre XIV, La logique du fantasme, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil & Le Champ freudien, 2023, p.179. ; puis Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le désir et son interprétation, texte établi par J.-A. Miller, Paris, de la Martinière & Le Champ freudien, 2013, p.152 ; puis Lacan J., Écrits, op.cit., p.115, p.318. et p.344. Quant au nouage de la marque et de la jouissance comme « discours sur le masochisme » cf. Lacan J., Le Séminaire, livre XVII, L’envers de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1991, p.17-29 et p.51-52.
  • 24
    Cf. Lacan J., Le Séminaire, Livre XXI, Les non-dupes errent, séance du 18 décembre 1973, inédite.
  • 25
    Cf. Ibid., Séance du 12 mars 1974.
  • 26
    Lacan J., Le Séminaire, Livre XXIII, Le sinthome, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2005, p.78.
  • 27
    Lacan J., Le Séminaire, Livre II, Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique analytique, op.cit., p.272. Quant à « la jouissance masochiste » comme « jouissance analogique » cf. Lacan J., Le Séminaire, livre XVI , D’un Autre à l’autre, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Paris, Seuil, 2006, p.134.
  • 28
    Fin du texte de Karim Bordeau.
  • 29
    Lacan, J., Le Séminaire, Livre VIII, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1991, p.120.
  • 30
    Lacan, J., Le Séminaire, livre XV, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2024, p.180.
  • 31
    P. Claudel, Le Soulier de satin, deuxième Journée, scène XIV, Théâtre II, op.cit., p.779.
  • 32
    Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, Texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1975, p.87, 132. Alors que, selon Lacan, « Tout amour, de ne subsister que du cesse de ne pas s’écrire [contingent], tend à faire passer la négation au ne cesse pas de s’écrire [nécessaire] ne cesse pas, ne cessera pas. » [Ibid. p. 132].
  • 33
    Lacan J.,Télévision, op.cit. p. 40. Autres écrits, op.cit. p.526. Dans ce contexte, le poète n’est pas Claudel, mais Dante. Qu’on me permette d’ajouter, à propos du pire, cette devise de Samuel Beckett (Mirlitonnades) : « En face le pire Jusqu’à ce qu’il fasse rire. »