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Léonard de Vinci
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Carnets
Léonard de Vinci
Éditeur, ville

Gallimard

Pages

1651

Année

2019

01/07/2020
Mari Paz Rodriguez
  • Les Carnets de Léonard de Vinci, publiés pour la première fois par Gallimard en 1942, ont été réédités en octobre 20191de Vinci Léonard, Carnets, Paris, Gallimard, coll. Quarto, 2019., à l’occasion de la commémoration du cinquième centenaire de la mort du génie de la Renaissance italienne. Des dessins, des croquis, des planches anatomiques, botaniques et cartographiques accompagnent ce bel et savant ouvrage.

    Cinq cents ans après sa mort et suite à la rétrospective du siècle organisée par le Musée du Louvre2Cf. Exposition Léonard de Vinci au Musée du Louvre, du 24 octobre 2019 au 24 février 2020., nous avons pu redécouvrir l’exceptionnelle capacité de création artistique de Léonard de Vinci et sa passion inextinguible pour le savoir. Bien avant René Descartes, sa maîtrise tant théorique que pratique de la perspective lui a fait comprendre, à travers le lien étroit qui existe entre la peinture et les mathématiques, l’importance de la démarche scientifique. Ses études sur le vol des oiseaux sont très exhaustives et il ne nous cache pas que son ambition première était de créer une machine volante, l’ornithoptère, conçue pour faire décoller l’être humain. Ses inventions dans le domaine de la guerre ne laisseront pas indifférent le lecteur avec, entre autres, les croquis du char à faux et du char d’assaut.

    Ses recherches sur l’anatomie se sont révélées précieuses aussi bien dans le champ de la médecine que dans le champ de la peinture. La conception exacte des figures et leurs mouvements était possible pour Léonard dans la mesure où le peintre connaissait à la perfection la structure interne de l’homme, notamment la nature des nerfs, des muscles et des tendons.

    Dans les « Préceptes du peintre3de Vinci L., « Préceptes du peintre », Carnets, op. cit., p. 1036.», le maître toscan donne des conseils à ses étudiants, notamment concernant la vie du « peintre en son atelier » : « Le peintre ou le dessinateur doit être solitaire, pour que le bien-être de son corps n’altère point la vigueur de son esprit. » Il ajoute : « Si tu es seul, tu seras tout à toi » ou encore : « Dis-tu : “Je ferai à ma fantaisie, je me tiendrai à l’écart, pour mieux pouvoir étudier les formes des objets naturels”.4Ibid., p. 1064.» Il qualifie la peinture de « petite-fille de la nature et parente de Dieu lui-même5Ibid., p. 1032.». En effet, lorsque nous découvrons pour la première fois le sourire de la Joconde en nous promenant dans les galeries du Palais du Louvre, nous ne pouvons pas nier la nature mystique de cette rencontre. Mona Lisa a inspiré les écrivains à travers l’histoire, entre autres Oscar Wilde : « Et c’est ainsi que le tableau nous semble alors plus merveilleux qu’il ne l’est en réalité, nous révèle un secret dont en vérité il ne sait rien, et la musique de cette prose mystique est aussi douce à nos oreilles que l’était celle de la joueuse de flûte qui prêta aux lèvres de la Joconde ces courbes subtiles et maléfiques.6Ibid., p. 1494-1495.»

    Dans le dossier « Miroirs de Léonard, Léonard en miroir » des Carnets, on découvrira les portraits de l’artiste réalisés par les plus grands penseurs tous fascinés par la figure de Léonard, et bien évidemment on tombera sur Un souvenir d’enfance7Freud S., Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, Paris, Seuil, Essais Point, 2017 écrit par Freud en 1910. Pour ce dernier, « Léonard fut un exemple de froideur et d’abstinence sexuelle que l’on n’aurait pas attendu du peintre de la beauté féminine8Ibid., p. 49.». Dans cet ouvrage, Freud étudie le lien entre le développement de la libido et la sublimation : il y démontre comment, chez Léonard, la libido échappe au destin du refoulement dans la mesure où elle se sublime dès le début en désir de savoir et vient renforcer la vigoureuse pulsion du chercheur9Cf. Ibid., p. 66.. Cette obsession ne serait qu’un substitut de l’activité sexuelle. Ce texte, fortement critiqué pour son manque de rigueur, qualifié d’arbitraire par ses confrères scientifiques et méprisé par les historiens d’art, demeurait cependant une grande fierté de Freud. Ainsi, dans une lettre du 9 février 1919, Freud confie à Lou Andreas-Salomé : « le Léonard, la seule belle chose que j’ai écrite ».

    Lacan commente Un souvenir d’enfance dans le Séminaire iv. De l’observation du Léonard de Freud, Lacan met en relief l’introduction à la structuration du registre imaginaire dans la psychanalyse. Dans ce texte, Freud mentionne en effet pour la première fois le narcissisme et le mécanisme de la sublimation ainsi que son corrélat sur la sexualité très discrète de l’artiste. Lacan conclut sa lecture du cas Léonard sur une question concernant la sublimation : « celle de savoir si le processus que nous appellerons sublimation […] ne comporte pas dans sa direction même une dimension corrélative, celle par laquelle l’être s’oublie lui-même comme objet imaginaire de l’autre10Lacan J., Le Séminaire, livre iv, La relation d’objet, Paris, Seuil, 1994, p. 435.».

    Et si Léonard s’était oublié lui-même ? Il était voué à se consacrer à l’art du dessin, destiné à être peintre, désigné comme tel par son père. C’est ainsi que Léonard intègre, vers l’âge de douze ans, l’un des plus prestigieux ateliers d’art de la Renaissance, l’atelier d’Andrea del Verrocchio. Fils naturel d’un riche notaire florentin et d’une jeune paysanne, Léonard était empêché de toute habilitation à la guilde des notaires du côté paternel, il fut donc autodidacte en tout. Un intérêt toujours étranger, celui de l’expérimentateur, avait fini par nuire à l’œuvre d’art. On l’a souvent accusé de paresse, d’être lent dans sa production ou de laisser le travail à mi-chemin. Dans ses notes personnelles, on trouve une petite phrase qui résonne comme un soupir, comme la dernière lamentation de Léonard de Vinci : « J’ai gaspillé mes heures…11de Vinci L., op. cit., p. 1355.»

    On trouvera dans les Carnets une inépuisable source de savoir sur la vie et l’œuvre de ce génie universel.

  • 1
    de Vinci Léonard, Carnets, Paris, Gallimard, coll. Quarto, 2019.
  • 2
    Cf. Exposition Léonard de Vinci au Musée du Louvre, du 24 octobre 2019 au 24 février 2020.
  • 3
    de Vinci L., « Préceptes du peintre », Carnets, op. cit., p. 1036.
  • 4
    Ibid., p. 1064.
  • 5
    Ibid., p. 1032.
  • 6
    Ibid., p. 1494-1495.
  • 7
    Freud S., Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, Paris, Seuil, Essais Point, 2017
  • 8
    Ibid., p. 49.
  • 9
    Cf. Ibid., p. 66.
  • 10
    Lacan J., Le Séminaire, livre iv, La relation d’objet, Paris, Seuil, 1994, p. 435.
  • 11
    de Vinci L., op. cit., p. 1355.