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Les Mirages de la liberté

Collectif, Quarto, n°135
Références
Quarto, n°135
Les Mirages de la liberté
Collectif
Éditeur
ECF-Quarto
Pages
148
Année
2023
prix
18 €
Céline Poblome-Aulit
  • Éditorial
    Céline Poblome-Aulit

    N’est pas fou qui veut
    Rien n’est que rêve? – Gil Caroz
    La construction de la réalité et sa vérification chez Freud – Jérôme Lecaux
    L’Autre et la jouissance dans la psychose – Alfredo Zenoni
    Joyce, portrait de l’artiste en psychose – Philippe De Georges
    Singularité sinthomatique versus singularité technologique – Miquel Bassols

    Le tranchant de la liberté
    La liberté d’expression et la vérité – Laurent Dupont
    Éthique et liberté du sujet, des effets du non-rapport – Caroline Doucet
    Le fantôme de la liberté – Céline Poblome-Aulit
    Liberté, utopie et nullibiété – Dominique Corpelet
    Liberté, quand tu nous tiens – Thomas Van Rumst
    La langue, un interstice pour la liberté ? Entretien avec Chahla Chafiq – Nathalie Crame, Guy Poblome, Céline Poblome-Aulit
    L’étranger au plus intime du sujet – Marina Frangiadaki

    Enchaîné au produit
    Le réel est notre aspiration – Pierre Sidon
    Subvertir la répétition – Hélène Coppens, Marie-Françoise De Munck, Nadine Page, Amandine Seifert
    Conversation avec Sonia Chiriaco

    L’interprétation : une invitation au voyage
    L’interprétation à la fin de l’analyse. Le régime de la lettre, celui du bafouillage – Clotilde Leguil
    Coupures – Sophie Gayard
    La lettre jusqu’à plus soif – Leander Mattioli Pasqual
    Deux abords de la séparation – Olivier De Ville

    Élaborations des Analystes de l’École
    Coupure – Omaïra Meseguer
    Du récit à une logique, tentative – Guy Poblome
    Une topologie de l’énonciation – Martine Versel

    Cabinet de lecture
    La Treizième Heure ou l’échec avoué d’une utopie queer – Camilo Ramirez
    Marcel Cohen Cinq femmes, sur la scène intérieure II – Nathalie Georges-Lambrichs
    Femme couleur de poulpe – Guillaume Darchy
    Lacan criminologue – Gaëlle Lucas

    Vie de l’École

  • Pour clore notre ligne éditoriale, nous avons choisi d’interroger le signifiant de la liberté. Bien que cette notion ait le vent en poupe, elle n’est pas sans révéler quelque ambiguïté par sa forte accointance avec le surmoi. Le discours contemporain vend une illusion de liberté en misant sur la prolification d’objets auxquels le sujet s’aliène en lieu et place d’un accrochage au signifiant qui, nous le verrons notamment grâce aux élaborations des analystes de l’Ecole, est précisément la condition d’une possible liberté.

    Une rencontre avec Chalah Chafiq, sociologue et écrivaine iranienne, témoigne de la façon dont la langue peut constituer un interstice vers la liberté. C’est précisément ce qu’explore la rubrique sur l’interprétation en psychanalyse lacanienne.

    Ce numéro clôture deux années d’une ligne éditoriale dont le désir était porté par l’invitation lancée par Lacan de « rejoindre […] la subjectivité de son époque1Lacan J., « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 320.». Pour clore cette série, nous avons choisi d’interroger le signifiant de la liberté. Bien que cette notion ait le vent en poupe, elle n’est pas sans révéler quelque ambiguïté par sa forte accointance avec le surmoi. Le discours contemporain vend une illusion de liberté en misant sur la prolification d’objets auxquels le sujet s’aliène en lieu et place d’un accrochage au signifiant qui, nous le verrons, est précisément la condition d’une possible liberté. « L’aliéné, tout comme l’addict dont il est le quasi-synonyme, sont les martyrs d’une aliénation qui résiste à tout idéalisme de libération. Faute d’être aliéné à l’Autre, il est aliéné à l’objet qu’il a dans la poche.2Pierre Sidon, dans ce numéro.» La clinique des addictions telle que l’abordent Pierre Sidon et Sonia Chiriaco est à ce sujet paradigmatique.

    Certes, « le sujet, tenu par l’Autre où il situe la cause de son désir, n’est pas libre, mais il est un grand voyageur » remarque Dominique Corpelet. Du grand voyage de l’inconscient, le rêve trace les chemins de traverse. « Le rêve a beaucoup plus de liberté dans l’expression, n’a pas du tout besoin de s’occuper de la compréhension […]. Le rêve est libéré de ça […]. Il y a une sorte de liberté, la liberté de rêver les bêtises, de rêver les non-sens tranquillement. C’est pourquoi, à cet égard, le rêve est plus proche de l’inconscient.3Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. La fuite du sens », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 17 avril 1996, inédit.»

    Une rencontre avec Chahla Chafiq, sociologue et écrivaine iranienne, témoigne de la façon dont la langue peut constituer un interstice pour la liberté. C’est précisément ce qu’explore la rubrique sur l’interprétation en psychanalyse lacanienne. En dépliant la distinction entre l’interprétation du début de l’analyse et l’interprétation qui suit la traversée du fantasme, Clotilde Leguil se glisse subtilement derrière le voile transférentiel, et montre que se faire responsable de sa jouissance permet un accès à la liberté. « Si l’analyste est d’abord celui qui “ élève [les mots] à leur effet d’interprétation4Lacan J., « La direction de la cure et les principes de son pouvoir », Écrits, op. cit., p. 587.”, il est donc à la fin celui qui opère un « fallere », un faire tomber, jusqu’à ce qu’il tombe lui-même dans le trou du sens et que le noeud du transfert se dénoue aussi. » Les Analystes de l’École, grâce à leur élaboration, nous enseignent sur cette trajectoire, « la passe étant conçue comme la traversée “ libératoire ” du fantasme supposée rendre sa liberté au sujet de la parole, qui se trouvait captif de l’inertie de la jouissance imaginaire5Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. L’Un tout seul », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 06 avril 2011, inédit.».

    On connaît le débat vif entre Henry Ey et Lacan autour de la liberté. Loin de considérer la folie comme une insulte à la liberté, Lacan en fait sa plus fidèle compagne, une limite à la liberté toute qui mènerait à l’errance. La mince frontière entre liberté et folie a été l’occasion de mettre le prochain congrès de l’Association mondiale de psychanalyse à l’honneur. Comme le reprend Caroline Doucet, « ce qui sépare le fou et le non-fou, c’est “ le tranchant infime de la liberté ” que lui confère de n’avoir pas consenti à la castration et de ne pas s’aliéner à l’Autre où serait logé l’objet manquant. La folie comme toutes les autres structures s’entend comme la conséquence d’une position subjective ». N’est donc pas fou qui veut. Gil Caroz pointe l’état de sommeil profond dans lequel le sujet est plongé. « Cet état de défense fondamentale qui le maintient à l’écart du réel au sens analytique du terme est une illustration lacanienne de la folie. Tous les discours ou, pour le dire autrement, toute forme de lien social soutient cet état de sommeil et de rêve. » Et si la liberté affleurait dans les éclairs de réveil ?

     

  • 1
    Lacan J., « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 320.
  • 2
    Pierre Sidon, dans ce numéro.
  • 3
    Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. La fuite du sens », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 17 avril 1996, inédit.
  • 4
    Lacan J., « La direction de la cure et les principes de son pouvoir », Écrits, op. cit., p. 587.
  • 5
    Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. L’Un tout seul », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 06 avril 2011, inédit.