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LIVRES

Comment finissent les analyses

Paradoxes de la passe

Jacques-Alain Miller
Références
Comment finissent les analyses
Jacques-Alain Miller
Éditeur
Navarin éditeur
Pages
336
Année
2022
prix
22 €
Agnès Vigué-Camus
  • Liminaire

    I
    • Introduction aux paradoxes de la passe
    • D’un autre Lacan
    • Pour la passe
    • Des données sur la passe
    • Perfection de la psychanalyse

    II
    • Vue de la sortie
    • Le paradoxe du psychanalyste
    • Vers un signifiant nouveau
    • La passe de la psychanalyse et le désir de savoir
    • Esquisse des options fondamentales de l’École de la Cause freudienne
    • Remarque sur la traversée du transfert
    • « Analyste de son expérience même »

    III
    • L’École et son psychanalyste
    • La passe à l’entrée
    • Harangue

    IV
    • De la brièveté
    • Ce que la passe enseigne
    • Sur le souvenir-crève-écran
    • Sur le déclenchement de la sortie d’analyse : conjonctures freudiennes
    • Sur l’originalité de la fin d’analyse
    • La passe 3
    • La passe parfaite

    V
    • Les notes du passeur
    • Portraits de famille
    • Sur les fondements névrotiques du désir de l’analyste
    • La passe, fait ou fiction
    • Qu’as-tu rencontré que tu ne pouvais imaginer ?
    • Le silence des passeurs

    VI
    • Un réel pour la psychanalyse
    • Du lieu de la passe
    • Structure de la passe

    VII
    • De la Cité analytique
    • Sur le mutualisme
    • Sur l’extime

    VIII
    • Sur la formation de l’analyste
    • Qui sont vos psychanalystes ?
    • Pour introduire l’effet-de-formation

  • « Freud parle d’être “analysé à fond”. Qu’est-ce que cela veut dire ? La question a toujours été une pomme de discorde, la bouteille à l’encre, voire le pot-au-noir.

    En fait, pour Freud, toute analyse est vouée à achopper sur une impasse, la rencontre d’un réel immuable. En revanche, selon Lacan, une passe est possible : une cure peut trouver une fin qui ne soit pas un simple satisfecit que l’analyste et l’analysant se décerneraient mutuellement, ni un abandon, une lassitude ou une insurrection, mais une conclusion d’ordre logique. S’ensuit une procédure en chicane, destinée à vérifier que la passe a bel et bien été trouvée par l’analysant.

    Lacan batailla dur pour faire adopter la passe par ses élèves. Après sa mort, la plupart s’empressèrent de passer ladite passe par-dessus bord. Elle fut sauvée des eaux par l’École de la Cause freudienne et, par le canal de l’Association mondiale de psychanalyse, se répandit à travers l’Europe et en Amérique latine.

    Encore fallait-il reconstituer le plan du labyrinthe et procéder à un nouveau réglage de l’opération. J’ai pris part à cette tâche par une suite de textes ici offerts au public. Sont-ils de nature à élucider les multiples paradoxes de la passe ? Je le crois. »

    Jacques-Alain Miller

  • Cet ouvrage, rassemblant trente-huit textes de Jacques-Alain Miller, écrits entre 1977 et 2002, éclairés par un liminaire daté du 21 janvier 2022, démontre que l’expérience analytique n’est pas seulement une affaire intime intéressant deux personnes réunies dans le secret du cabinet de l’analyste, mais une expérience qui convoque des questions éthiques et épistémiques valant enseignement  au delà de ce lieu privé. Cette visée de transmission comporte des paradoxes, des contradictions, suscite des crises analysées par l’auteur avec un désir d’élucidation qui fait le vif de ces pages1Cf. un « travail d’élucidation constamment remis sur le métier » souligné par Pascale Fari dans son article « La passe pierre de touche », L’Hebdo Blog nouvelle série, n° 261, 7 février 2022..

    Éthique, car il est question des fondements mêmes de l’expérience analytique, où s’élucide peu à peu « ce qui a saisi le sujet2Miller J.-A., Comment finissent les analyses- Paradoxes de la passe, Paris, Navarin éditeur, 2022, p 169.» et déterminé son rapport aux autres et à lui-même, jusqu’à un moment de passe éprouvé, où le dit sujet entrevoit l’inconsistance de ce qui s’était tissé pour lui quant à sa croyance en l’Autre, incarné dans la cure par l’analyste, dont l’analysant a fait son partenaire d’élection, un sujet supposé savoir ce que lui même ignore. Se séparer de cette conviction qu’un Autre sait pour vous est pour l’analysant « l’indice d’une fin authentique3Ibid., p. 11.».

    Épistémique car Lacan, lu par J.-A. Miller, fait de la fin d’analyse une démarche logique : « une cure psychanalytique est équivalente à une démonstration4Ibid., p. 285.». La logique permet de s’extraire de l’imaginaire et des fictions de l’être pour cerner un réel. Lacan apporte en 1967 un nouveau dispositif bouleversant les hiérarchies établies, la passe, qui « fut mise à l’épreuve dans son École et reprise après la dissolution de celle-ci dans l’École de la Cause freudienne5Lacan J., « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001 ; Miller J.-A., Comment finissent les analyses- Paradoxes de la passe, op. cit., p. 244.». Il est possible de dégager et d’en donner lecture à d’autres, les coordonnées logiques de ce qui s’est éprouvé pour un sujet, dans un moment de sortie de la cure analytique. Il y a une transformation qui s’entend : « La passe […] ne se résume nullement au contenu narratif d’un ensemble d’énoncés. Elle est fonction du rapport en acte que le sujet entretient avec ce qu’il énonce, elle est fonction du ton, de l’allure, de la manière de dire, bref de l’énonciation6Ibid., p. 16.». C’est en effet, un nouveau rapport à soi, un « lui-même produit par l’analyse7Ibid., p. 12.» qui donne chance à un analysant, passé à l’analyste, de se situer du côté de « la certitude du désir » plutôt que du conformisme au groupe8Ibid., p. 262..

    D’une part, donc, il y a mutation d’un sujet, produit d’une traversée des identifications et cela s’entend ; d’autre part, il est possible d’en rendre compte, comme d’un parcours logique dont les modalités de la sortie, éclairent les coordonnées de l’entrée en analyse. S’opère, ainsi, en quelque sorte, une traduction de ce qui avait été subjectivé au singulier, sur le divan, ce qui suppose le recours à des inventions, créations, surprises, débouchant sur la production d’un savoir nouveau.

    Á l’heure où les signifiants maîtres prétendent entièrement résorber le réel en éradiquant la jouissance, la nomination d’un Analyste de l’École qui a su se faire responsable de ce qui polarise son être, parie sur la « certitude du désir9Ibid., p. 262.». Car ce désir d’analyste, produit du passage de l’analysant à l’analyste est un désir de savoir qui offre la possibilité de s’affronter aux signifiants maitres de son temps et de jouer sa partie dans l’époque10Ibid., p. 103..

  • 1
    Cf. un « travail d’élucidation constamment remis sur le métier » souligné par Pascale Fari dans son article « La passe pierre de touche », L’Hebdo Blog nouvelle série, n° 261, 7 février 2022.
  • 2
    Miller J.-A., Comment finissent les analyses- Paradoxes de la passe, Paris, Navarin éditeur, 2022, p 169.
  • 3
    Ibid., p. 11.
  • 4
    Ibid., p. 285.
  • 5
    Lacan J., « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001 ; Miller J.-A., Comment finissent les analyses- Paradoxes de la passe, op. cit., p. 244.
  • 6
    Ibid., p. 16.
  • 7
    Ibid., p. 12.
  • 8
    Ibid., p. 262.
  • 9
    Ibid., p. 262.
  • 10
    Ibid., p. 103.