L'Hebdo Blog, 312

La littérature : s’émouvoir du réel

Éditorial

24/09/2023
Martine Versel

Ce qui caractérise la rentrée à la française est sa rentrée littéraire. Ce marronnier de septembre déploie son lot de considérations sur l’état de la littérature. Il passe de la comptabilité du nombre de romans publiés et des tendances du moment à une déploration de son fort impact écologique, dû à une logique commerciale de surproduction éditoriale. Dernièrement, le secteur a signé un pacte d’engagements éthiques et responsables pour diminuer le colossal pilonnage des livres. C’est sans doute un écho d’un des versants de toute production, voire de la création littéraire, qui dévoile ainsi sa face palea d’objet déchet. Celle à laquelle on pourrait accrocher le label poubellication1Lacan J., Le Séminaire, livre XIII, « L’objet de la psychanalyse », leçon du 15 décembre 1965, inédit., vocable forgé par Lacan en 1965 et dont il qualifiera ses Écrits. Mais poubellication fait surtout entendre, au-delà de la surproduction littéraire, ce reste inéliminable qu’emporte la loi du signifiant dans la création littéraire. La poubellication a pu même faire œuvre de création avec des auteurs comme Joyce. Dans Finnegans Wake, Joyce franchit la loi du signifiant, du sens, en opérant dans le hors-sens. Lacan l’acte en légitimant sa création du terme Lituraterre. Il précise en disant qu’il part « de l’équivoque dont Joyce […], glisse d’a letter à a litter, d’une lettre (je traduis) à une ordure.2Lacan J., « Lituraterre », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 11.» L’écriture joycienne dégonfle les atours de l’être pour faire entendre la lettre, ce résidu matériel du signifiant dont les assonances en anglais révèlent son rapport au déchet, soit à la jouissance.

Lire la suite sur l’Hebdo-Blog n°312.

  • 1
    Lacan J., Le Séminaire, livre XIII, « L’objet de la psychanalyse », leçon du 15 décembre 1965, inédit.
  • 2
    Lacan J., « Lituraterre », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 11.