12/12/2022
Marie Poulain-Berhault

Marie Poulain-Berhault témoigne ici d’un cartel dont elle fut le plus-un. Ce fut une première fois. Constitué avec trois autres étudiantes rencontrées lors de ses études de psychologie, ce cartel fut pour elle un mode inédit de mise au travail. Elle a exposé son produit de cartel lors de la rentrée des cartels à Rennes, le 1er octobre 2022. Elle en témoigne ici.

Lacan propose les conditions du cartel à l’occasion de la création de son école en 1964 : « Pour l’exécution du travail, nous adopterons le principe d’une élaboration soutenue dans un petit groupe. »1Lacan J., « Acte de fondation », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 229. Ce petit groupe a été constitué par quatre cartellisantes. Le choix du thème a été la mélancolie. Vaste sujet pour une première à cette fonction de plus-Un. Pourquoi pas, le cartel s’invente, dans la singularité de chaque question. Dès la première rencontre, s’entend le transfert de travail à la psychanalyse, aux références à Lacan et à quelques analystes de l’École. De la place de plus-un, j’ai tenté de ne pas répondre du côté de l’enseignement, là où la mélancolie faisait l’objet d’un travail universitaire, ni du sujet-supposé-savoir. Provoquer l’élaboration, telle a été la tentative du côté du désir tel qu’il « s’inscrit en tant que conséquence de l’articulation langagière au niveau de l’Autre. »2Lacan J., Mon enseignement, Paris, Seuil, 2005, p. 52. C’est-à-dire que la parole de chacune des cartellisantes prenne forme de questionnement voire à l’occasion de trouvaille : « le seul trou qui vaille, la trouvaille ! »3Lacan J., Le Séminaire, livre XXII, « R.S.I. », leçon du 13 mai 1975, Ornicar ?, n°5, décembre-janvier 1975/76, p. 59. Comment savoir faire avec ce trou, avec des connaissances, des références déjà-là qui se dérobent, et mettre au travail le cartel et ma propre question ? Il s’agissait de supporter ce qui ne peut se retrouver sur le vif, et de parier sur cette butée pour faire advenir un bout de savoir.

Suite à la présentation du produit de cartel, le statut du S1 dans la mélancolie a été interrogé. Je proposais de l’entendre « fixe » par association à l’hyper-conformité, l’hyper-normalité, la sur-identification. Jacques-Alain Miller indique que « Le désir a besoin de masques, parce que s’il les perd, il ne reste que la pure douleur d’exister. »4Miller J.-A., « Une lecture du Séminaire D’un Autre à l’autre », La Cause freudienne, vol. 66, n°2, 2007, p. 55. Cette douleur d’exister est le terme de Lacan pour qualifier la mélancolie. L’identification imaginaire, comme une solution au sujet mélancolique, vient comme voile sur cette douleur d’exister ou encore l’objet i(a) imaginaire recouvre le déchet. Comme l’a relevé Sophie Marret-Maleval, il ne relève pas d’un S1 en tant qu’il représente le sujet comme un au champ du langage, de commander la chaîne signifiante, d’agrafer l’objet. Ce repérage, déjà lu, s’est entendu et éclairé dans l’après-coup. Lacan propose : « La psychanalyse révèle […] un savoir insu à lui-même. » Énoncé repris à mon compte, le travail en cartel révèle un savoir insu. Il se poursuit par la contingence de la formation d’un nouveau cartel sur le séminaire « L’insu que sait de l’Une bévue s’aile à mourre ».


Marie Poulain-Berhault est membre de l’ACF en VLB.

  • 1
    Lacan J., « Acte de fondation », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 229.
  • 2
    Lacan J., Mon enseignement, Paris, Seuil, 2005, p. 52.
  • 3
    Lacan J., Le Séminaire, livre XXII, « R.S.I. », leçon du 13 mai 1975, Ornicar ?, n°5, décembre-janvier 1975/76, p. 59.
  • 4
    Miller J.-A., « Une lecture du Séminaire D’un Autre à l’autre », La Cause freudienne, vol. 66, n°2, 2007, p. 55.