Cartello, 46

Ce séminaire qui porte à conséquence

© Photo: Ulysse Barry
02/10/2025
Christelle Arfeuille

Lacan commence son enseignement sur L’Acte psychanalytique un mois après sa « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École ». C’est dire sa portée politique et éthique, tout autant que clinique. Ce Séminaire de 1967-1968, qui s’adresse tout particulièrement aux psychanalystes, est un enseignement sur le commencement et la fin d’une analyse. Ce que Lacan appelle désir de l’analyste est une conséquence de son acte. Ainsi, Lacan y met au travail deux questions qui s’articulent : qu’est-ce qu’un psychanalyste ? En quoi l’acte psychanalytique, celui-là même qui fonde l’analyste, éclaire la question de l’acte en lui-même ?

L’acte de faire exister l’inconscient incombe à l’analyste. C’est par la mise en acte de cette responsabilité de l’analyste que l’analyse a chance de commencer. Il s’agit d’une condition nécessaire pour permettre à l’analysant d’entreprendre sa tâche. L’acte de commencer une analyse est du côté de l’analyste et non du côté de l’analysant qui lui dit n’importe quoi. La règle fondamentale vise le signifiant en acte. La tâche analysante est un faire de parole, élevé à la dignité de l’acte, dans le lien transférentiel.

Lacan distingue l’acte analytique de l’action, autant que de l’acte symptomatique ou l’acte manqué freudien, dont il se sert pour autant. « Son efficience d’acte n’a rien à faire avec l’efficacité d’un faire », elle a à voir avec sa « pointe signifiante 1» ; celle-ci loge l’acte dans l’ordre symbolique. Lacan fait de l’acte analytique un acte qui touche au réel du transfert. Jacques-Alain Miller indique que « le transfert est un point de contact entre inconscient et acte 2 ». Il n’y a pas d’acte inconscient mais l’inconscient peut être mis en acte : c’est une définition freudienne du transfert en tant que mise en acte de la réalité de l’inconscient. L’acte manqué est acte parce qu’il est signifiant ; dans le ratage par lequel il passe, il est vérité. L’acte est un dire et en même temps ce par quoi « un sujet se délivre des effets du signifiant 3», c’est « ce qui fascine dans l’acte vrai 4».  L’acte psychanalytique s’avère être acte de n’être pas manqué dans ses conséquences de subjectivation de la castration, à la fin d’une analyse.

Une analyse démarre par une institution et se termine par une destitution : celle du sujet supposé savoir. Ce sujet supposé savoir est un fantasme qui dirait que la vérité est déjà là, déjà écrite 5. Il s’agit d’abord de s’en servir, pour enfin s’en passer. L’analyste supporte la garantie du sujet supposé savoir et l’installation du transfert pour accepter « d’être rejeté à la façon de l’objet a 6 ». L’avènement de cet objet a vient à la place du sujet supposé savoir par l’événement de l’acte analytique. Le passage de l’analysant à l’analyste est un franchissement sans passerelle, un saut qui est conséquence de la certitude de l’acte analytique.

[1] Lacan J., Le Séminaire, livre XV, L’Acte psychanalytique, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil/Le Champ freudien éd., 2024, p. 91.

[2] Miller J.-A., « Acte ou inconscient », La Cause du désir, n°116, avril 2024, p. 22.

[3] Ibid., p. 27.

[4] Ibid.

[5] Cf. Miller J.-A., Lacan au présent, au Théâtre de Paris. https://www.youtube.com/watch?v=hbDZO8kQ5GE

[6] Lacan J., Le Séminaire, livre XV, L’Acte psychanalytique, op. cit., p 269.