
Édito
Outil inventé par Lacan, le cartel épouse le nouveau. S’interrogeant dès 1955 sur la formation des analystes à venir, Lacan s’oriente vers « un enseignement véritable, c’est-à-dire qui ne cesse de se soumettre à ce qu’on appelle novation 1 ». Si le terme de « novation » se définit comme « ce qui introduit ou constitue quelque chose de nouveau dans un état de choses donné », son étymologie latine dérive de novo qui indique notamment l’acte de forger de nouveaux mots.
Exploration de textes ardus, accueil à l’énonciation, place donnée aux trouvailles : l’inédit caractérise le savoir extrait en cartel. Ce nouveau numéro de Cartello s’en fait le recueil. Ce jamais vu ou entendu surgit non sans labeur et a des effets, parfois, de malaise comme le confie Freud : « l’origine du malaise est la dépense psychique que le nouveau exige toujours de la vie mentale 2 ».
Au cours de la cure, comme le formule Cécile Glineur « l’analysant a rencontré la perte et son complément, l’objet a. […]. Surgit alors parfois un nouveau désir. 3 » Cet attrait du nouveau, ce désir de novation, Lacan y revient en se demandant : « pourquoi est-ce qu’on n’inventerait pas un signifiant nouveau ? Un signifiant qui n’aurait, comme le réel, aucune espèce de sens ? 4 » Ce serait un mot qu’on chiffonne et qui produirait un effet opératoire, un effet qui réveille. Si une analyse extrait du non-su, ce n’est pas sans le désir de l’analyste et de celui qui crée un signifiant nouveau. Anastasia Sotnikova Faraco montre comment, dans l’instant de l’acte, se produit un signifiant inédit 5.
Cette invention nécessite un amour nouveau, que certains poètes transmettent avec génie. Le nouveau et l’amour s’unissent pour voiler le non-rapport sexuel. Arrêté par une phrase percutante de ce Séminaire XV, Jean-Noël Donnart dépiste « la déficience de la vérité à l’égard du sexuel 6 ».
L’invention d’un amour nouveau, voilà ce que Lacan attendait de la psychanalyse. Dans son séminaire L’Acte psychanalytique, il en donne une lecture avec le magnifique poème d’Arthur Rimbaud intitulé À une raison 7. La réplique « le nouvel amour », Lacan l’entend comme un changement de discours 8. Cette dimension du discours vis-à-vis de l’acte est explorée par Gabrielle Ombrouck 9. Elle transmet que Lacan situe le discours psychanalytique non pas comme discours sur l’acte, ni comme acte lui-même, mais comme discours depuis l’acte, « qui s’institue à l’intérieur de l’acte 10 ». « L’acte de faire exister l’inconscient incombe à l’analyste. C’est par la mise en acte de cette responsabilité de l’analyste que l’analyse a chance de commencer 11 » repère Christelle Arfeuille.
Voilà du nouveau à lire !
[1] Lacan J., « La chose freudienne », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 435.
[2] Freud S., « Résistances à la psychanalyse », Résultats, idées, problèmes, tome II, Paris, PUF, 1995, p. 125.
[3] Glineur C., « Un nouveau désir ou le parcours d’une analyse », Cartello n°46, sept 2025.
[4] Lacan J., « Vers un signifiant nouveau », Ornicar ?, n°17/18, p. 21.
[5] Sotnikova Faraco A., « L’instant d’agir », Cartello n°46, sept 2025.
[6] Donnart J.-N., « La vérité dé-conne », Cartello n°46, sept 2025.
[7] Lacan J., Le Séminaire, livre XV, L’Acte psychanalytique, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil & Le Champ freudien, 2024, p. 93.
[8] Cf. Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 20.
[9] Ombrouck G., « Saisir l’acte psychanalytique… de l’intérieur », Cartello n°46, sept 2025.
[10] Lacan J., Le Séminaire, livre XV, L’Acte psychanalytique, op.cit., p. 183.
[11] Arfeuille C., « Ce séminaire qui porte à conséquence », Cartello n°46, sept 2025.