Découvrez les sept arguments des 53es Journées de l’ECF, « Interpréter, scander, ponctuer, couper ».
Argument #1, Le devoir d’interpréter, six remarques
Agnès Aflalo, directrice des Journées
L’inconscient interprète
Lors de la séance, les formations de l’inconscient, comme le lapsus, révèlent l’existence du décalage entre ce que l’analysant veut dire et ce qu’il dit effectivement. C’est dans ce décalage-là que Freud situe l’inconscient qu’il découvre, entre le vouloir dire et le dit. Tout se passe en effet comme si le dit de l’analysant voyait émerger un vouloir dire, vouloir dire que Lacan appelle le désir de l’Autre. C’est dire que l’inconscient interprète déjà, produit déjà lui-même des interprétations (On se reportera au Cours de J.-A. Miller et en particulier à « La fuite du sens »,1995-1996). Elles font résonner le signifiant, mais elles peuvent aussi faire énigme, prendre forme d’allusion ou d’oracle, etc.
Argument #2, Le souffle de l’interprétation
Philippe Hellebois
Interpréter, scander, ponctuer, couper – cette série dit la part de l’analyste dans le discours qui porte son nom. Elle est aussi ouverte que disparate. Ouverte, elle peut évoquer d’autres termes qui n’y sont pas comme épingler, construire, se taire, etc. ; disparate, ces termes ne s’équivalent pas tant celui qui l’ouvre, interpréter, la domine.
Argument #3, Du bon usage du malentendu
Deborah Gutermann-Jacquet
« L’interprétation, ça doit toujours être […] le ready-made, de Marcel Duchamp. Qu’au moins vous en entendiez quelque chose. L’essentiel qu’il y a dans le jeu de mots, c’est là que doit viser notre interprétation, pour n’être pas celle qui nourrit le symptôme de sens (Lacan J., La Troisième, Paris, Navarin, coll. La Divina, 2021, p. 32.)
C’est ainsi qu’en 1974, dans « La Troisième », marquant la troisième prise de parole de Lacan à Rome, il définissait le but de l’interprétation, marquant son propos d’un impératif à valeur d’intemporalité : l’interprétation, ça doit toujours être le ready-made de Marcel Duchamp.
Argument #4, L’interprétation et son contexte
Jérôme Lecaux
Les anciens lisaient dans les étoiles l’avenir ou le sens caché des choses. C’est à proprement parler la Deutung, qui se traduit en français par « interprétation ». C’est bien de cela dont il s’agit, si on ne le prend pas au pied de la lettre mais au sens métaphorique : lire le contexte symbolique dans lequel un événement se produit. Lacan utilise lui le terme de constellation signifiante.
Argument #5, L’interprétation analytique, un mode de dire pour savoir lire
Dominique Corpelet
La psychanalyse est un art de l’interprétation (Deutungskunst, en allemand), dit Freud, ce qui la distingue d’autres pratiques de parole réduites à l’écoute. Mais qu’a de singulier l’interprétation analytique, et en quoi réside son efficace ? Elle n’est ni une herméneutique, ni une exégèse, ni ne vise à expliquer. Si elle était du côté du sens seul, elle ne serait qu’un dit de plus rajouté au texte du sujet. L’interprétation est analytique pour autant qu’elle est d’abord un dire.
Argument #6, Un dire qui fait événement
Allan Caro
Comment la psychanalyse opère-t-elle ? C’est l’expérience d’une parole qu’un sujet adresse à l’analyste qui a le « devoir d’interpréter » ( Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les Quatre Concepts fondamentaux de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1973, p. 252.) Mais qu’est-ce qu’interpréter ? C’est ce que propose d’élucider le thème des 53e Journées de l’École de la Cause freudienne : « Interpréter, scander, ponctuer, couper ».
Argument #7, Scansion : temporalité et topologie
Alice Delarue
Lacan fonde son enseignement sur un retour à Freud en replaçant, au cœur de la psychanalyse, ce qui avait été dévoyé, entre autres, par l’Egopsychology : la parole, le langage, l’inconscient et l’interprétation. Le discours du patient appelle non une écoute qui le laisserait s’égarer dans les mirages de la parole vide, mais une réponse, et plus exactement une nouvelle lecture qui lui fasse entendre la réponse, encore insue, qui réside dans sa question.
L’interprétation est, d’emblée, sans standards mais pas sans principes : elle doit se situer dans le champ de la division du sujet, et s’appuyer sur les ressources poétiques d’une langue pour jouer du pouvoir du symbole, des résonances sémantiques, des équivoques, des ambiguïtés.