Cent-vingt ans après son invention, la praxis que Freud a instituée sous le nom de psychanalyse occupe, grâce à l’enseignement de Jacques Lacan qui en a restauré le soc tranchant, une place toujours plus vivante dans le monde. Loin d’être désuète, elle cherche sans cesse à épouser son époque, non pas pour s’y confondre, mais pour en lire les symptômes et en nommer le malaise qui la parcourt afin d’en répondre.
Dans la troisième section de son « Acte de fondation », dite de « recensement du Champ freudien », Lacan donne pour mission à son École la tâche de réaliser « le commentaire continu du mouvement psychanalytique », témoignant en cela de la nécessité d’être constamment en prise avec ce qui fait l’actualité du malaise dans la civilisation. Pas d’extraterritorialité pour la psychanalyse qui fait partie de la réalité sociale. C’est là un enjeu crucial pour sa transmission.
Le discours analytique se situe à l’envers du discours du maître, ils ont donc l’un et l’autre partie liée. Il revient au premier d’interpréter le second en se maintenant à l’heure de ce qui gouverne le monde. C’est par cette opération subversive que reste ouverte la faille au cœur de l’être parlant dans son propre discours. Le maître de demain, c’est dès aujourd’hui qu’il gouverne (Lacan), rappelle Lacan Quotidien, à laquelle nous rendons ici hommage pour son travail d’élucidation depuis de nombreuses années. C’est en effet en cela que l’inconscient, c’est la politique1Lacan J., Le Séminaire, livre xiv, « La logique du fantasme », inédit. Cité par Miller J.-A., « Intuitions milanaises », Mental, n°11, 2002, p.10..
La rubrique Capture se donne pour objet de contribuer à ce travail d’interprétation du malaise de notre époque dans un format plus court, à travers la saisie d’instantanés que des analystes orientés par le réel appréhenderont avec leur énonciation singulière. Les textes ici présentés viseront l’axe du discours, du détail insignifiant, tel un lapsus qui atteste de la présence au monde de l’inconscient, au phénomène mondialisé qui s’étale à la Une des médias et dont il s’agit de saisir la valeur de symptôme dans une adresse à ce que Jacques-Alain Miller a qualifié « d’opinion éclairée ». Face aux impasses de la civilisation, il s’agira de démontrer que la psychanalyse d’orientation lacanienne est bien cette discipline du bien-dire qui s’applique à serrer de manière toujours plus précise les enjeux logiques des phénomènes humains.