Cette année, Question d’École aborde deux thèmes distincts, mais pas sans rapport. Le matin : « La passe et l’interprétation de l’École ». Et l’après-midi, autour d’un dit de Lacan : « Tout le monde est fou », afin d’explorer la dépathologisation de la clinique.
La passe et l’interprétation de l’École
Lacan, introduisant la passe1Cf. Lacan J., « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 243-259., fait porter l’accent sur « le psychanalyste de l’École ». De l’École, disons qu’elle se distingue d’une « société » psychanalytique, et notons que le de fait entendre son équivoque. Lacan explicite ce choix d’École : « Il peut y avoir un enjeu, qui pour certains vaille au point de leur être essentiel, et c’est mon enseignement. »
Ce choix, nous l’assumons aujourd’hui : l’École de Lacan, c’est l’École de la passe, où, depuis le début de son enseignement, existe pour l’analysant une fin de partie dont on peut rendre compte dans la procédure de la passe. Une simplicité du principe – le mieux à même de témoigner de son expérience est l’analysant lui-même –, côtoie une procédure qui fait de l’AE, l’analyste de l’expérience de l’École. D’où la réinvention continuelle de la passe qui vise à préserver le réel en jeu. La conception de la fin d’une analyse varie selon les moments de l’enseignement de Lacan : Jacques-Alain Miller a su les expliciter, jusqu’au dernier enseignement de Lacan, introduisant en 2011 la notion d’outrepasse et la réduction au sinthome au-delà de la traversée du fantasme.
Où en sommes-nous dix ans plus tard ? Il a récemment pu dire que le psychanalyste n’avait pas à se taire dans le débat public. Quid de la fonction de l’AE dans cette perspective ? Le fonctionnement de la passe sera examiné par son collège dans les premiers jours de janvier. La matinée sera l’occasion d’un retour du collège de la passe.
« Tout le monde est fou »
La dépathologisation de la clinique
J.-A. Miller soulignait récemment2Miller J.-A., « Conversation d’actualité avec l’École espagnole du Champ freudien », La Cause du désir, n° 108, juillet 2021, p. 37 & sq. la puissance du phénomène, indiquant que la substitution d’un sujet de droit au sujet de l’inconscient menace l’interprétation, et nous invitant à explorer ce champ de réflexion et de travail.
Prendre au sérieux l’énoncé de Lacan permet de suivre un triple fil dans l’enseignement de Lacan. Celui de la folie d’abord, terme du début de son enseignement qui reste présent jusqu’à la fin, dans les questions qu’il pose avec Joyce. Il excède celui de « psychose » et subvertit la distinction entre cette dernière et la névrose. À la question Qu’est-ce qu’un fou ?, Lacan répond : Quelqu’un de parfaitement normal. Mais alors, Comment peut-on n’être pas fou ?3Miller J.-A., « Enseignements de la présentation de malades », La Conversation d’Arcachon, Paris, Agalma, 1997, p. 285-304. Comment se répercute cette conception de la folie dans nos pratiques ? Vient ensuite, le fil d’une conception renouvelée du langage centrée sur deux questions : comment toucher au réel avec des mots ? Comment faire avec le langage et sa pente spontanée au délire ? Une perspective se dessine si l’on distingue délire, débilité et duperie. Troisième fil, enfin : le discours analytique participe à sa façon à une dépathologisation ; dès lors, comment joue-t-elle sa partie avec les nouvelles formes de ségrégation ?
J.-A. Miller dit que cet énoncé est comme un condensé du tout dernier enseignement de Lacan4Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Tout le monde est fou », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours des 12 mars & 28 mai 2008, inédit.. La folie, entre semblant et réel, se lit sur fond d’une « psychanalyse liquide » qu’il introduit dans ce cours.
Dès lors, une question commune au matin et à l’après-midi se dessine : que deviennent les solides de la structure ?
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Programme
9h45. Ouverture
Éric Zuliani, président de l’ECF
10h-11h. Enseignement
Président : Jean-Daniel Matet
Marie-Claude Sureau – Trajet de la passe dans l’École
Sophie Gayard – Un enseignement entre raison et réson
Myriam Chérel – Retour sur expérience
11h-12h. Jury de la passe
Présidente : Patricia Bosquin-Caroz
Hélène Guilbaud – Trouer la passe
Alexandre Stevens – La passe, le corps et le temps
Alice Delarue – L’honneur du passeur
12h-13h. La passe dans l’École
Président : Laurent Dupont
Hélène Bonnaud – Interpréter le désir de nommer
Marie-Hélène Brousse – Il n’y a qu’une flèche dans le carquois
Victoria Paz – L’École de la passe et la responsabilité de l’AE
14h30-15h30. Sur les dépathologisations
Présidente Anaëlle Lebovits-Quenehen
Ligia Gorini – La dépathologisation. Quelques remarques
Carole Dewambrechies-La Sagna – Discerner / évaluer
Francesca Biagi-Chai – La dépathologisation lacanienne et l’autre
15h30-16h30. Qu’entend-on par singularité ?
Présidente : Agnès Aflalo
Philippe De Georges – L’ornithorynque et la psychanalyse
Guilaine Guilaumé – Plaidoyer pour la différence absolue
Christiane Alberti – L’enfance, berceau de la démocratie
16h30-17h30. Folie scientiste
Présidente : Angèle Terrier
Hervé Castanet – La thèse neuro – pathologisation généralisée et démocratie sanitaire
Sylvie Goumet – À chacun sa folie
Philippe La Sagna – Dépathologiser ou démédicaliser, la forclusion du symptôme
17h30. Ponctuations
Anaëlle Lebovits-Quenehen & Éric Zuliani