DÉ-MON-TRÉ, par Omaïra Meseguer
Après la toute dernière séance de ma longue analyse m’est venue avec clarté de quelle manière j’ai appris à écrire. Un souvenir d’une grande netteté. Une page blanche sur laquelle était écrite une phrase au crayon noir dont les mots étaient séparés par des traits rouges. J’écrivais avec deux crayons dont j’alternais les couleurs pour isoler les mots un-par-un et éviter qu’ils se collent. Ce souvenir, n’a pas été dit sur le divan, c’est un détail qui s’est détaché après la sortie. Le tré dessiné avec le soin de l’enfant qui apprend à écrire était la trace de ce qui est devenu mon sinthome à la fin de l’analyse.
Tré est une manière de faire qui noue mon incurable à ma satisfaction, mon excès et ma limite. Du tré je peux faire usage. L’obtenir a impliqué de « se débarrasser des scories héritées du discours de l’Autre1Miller J.-A., « En deçà de l’inconscient », La Cause freudienne n° 91, p. 103. » pour s’avancer jusqu’à « la psychanalyse de l’UnI2bid., p. 104. ». Le vidage du sens jusqu’à os a dû traverser l’enchevêtrement des deux langues : circuler de l’une à l’autre a impliqué de faire usage de la coupure, de passer lalangue maternelle au scalpel pour ensuite injecter à la langue française des sons qui m’ont permis d’écrire pour pouvoir lire. Lire autrement grâce à l’écoute des signifiants découpésc’est ma manière d’occuper la place de psychanalyste. Je lis en découpant, j’écris en découpant, mon élan prend sa source dans la puissance du segment. Cette dernière conférence d’AE tentera de démontrer ce que J-A Miller appelle « le caractère rapide et non dramatique de la passe 3Miller J.-A., Comment finissent les analyses. Paradoxes de la passe, Paris, Navarin éditeur, p. 153.».