Un phénomène, rendu célèbre par le film Sex friends1Sex friends, réalisé par Ivan Reitman, interprété par Natalie Portman et Ashton Kutcher, sorti en France le 16 février 2011., se rencontre depuis quelques années dans les cures de jeunes gens, ceux-là même qui se définissent souvent comme des « adulescents » : jouir sexuellement d’un partenaire, souvent régulier, sans s’engager dans une relation amoureuse.
Les blogs et forums sur internet fleurissent. Nous y lisons : « Nos conseils et astuces pour débuter et réussir votre relation de sex friend et établir une relation sans prise de tête ; le sex friend, cet ami qui vous veut (et vous fait) du bien ; le sex friend ou le copain de couette… »
À l’heure de la flexibilité du travail et son cortège de précarités, nous voici face à une version CDD du lien amoureux. Mais ne nous y trompons pas, ce qui s’expose comme une nouvelle forme d’éros revendiquée et assumée sur le net ou dans les médias, dévoile au contraire sur le divan sa triste face de solitude subie.
Il apparaît en effet que la solution du sex friend se présente pour nos jeunes par défaut et constitue un substitut à une relation amoureuse souvent trop idéalisée et fantasmée.
Ainsi n’est-il pas rare d’entendre, sans qu’aucune angoisse ni culpabilité n’affleurent, que des colocataires partagent autre chose que la cuisine et le salon.
Une jeune analysante le dit très bien : « Je préfère coucher avec mon pote, que je connais bien et qui me rassure, que de prendre le risque de rencontrer un inconnu et de souffrir. » Ce qui est mis en évidence là est le côté sécurisant de l’affaire où le lien de fraternité se noue à la recherche d’une jouissance sexuelle garantie, ce qui prévaut sur le désir.
Faire l’amour découle souvent d’une relation antérieure complice, comme si l’amitié « dérapait » et se muait en service rendu. Une autre analysante, la quarantaine passée confesse – après deux années passées à faire des rencontres décevantes sur des sites comme Adopte un mec – vouloir cesser ces pratiques virtuelles sans pour autant renoncer, comme certaines de ses amies célibataires, à sa « féminité ». Elle sait de toute façon qu’un ami avec qui elle parle de ses problèmes sentimentaux et qui l’aide « à comprendre les hommes » sera d’accord pour, de temps en temps, coucher avec elle.
Ne pas faire couple serait le fondement de ces pratiques modernes.
Alors, qu’y a-t-il de nouveau ? N’avons-nous pas affaire à un prolongement des amours libertaires post-soixante-huitardes chez des jeunes gens héritiers d’une génération qui mettait aux commandes, y compris dans la vie amoureuse, le slogan « ni dieu, ni maître » ?
Il semblerait plutôt au contraire que ce soit l’expérience2Référence empruntée au Colloque Uforca 2015 « Modes de jouir, le temps pour choisir », Université populaire Jacques-Lacan, Maison de la Mutualité, Paris, 30 mai 2015. et non l’idéal qui soit le signifiant maître qui gouverne de nos jours la rencontre amoureuse. La contingence expérimentale ordonne les aléas du sexuel, que le partenaire soit fille ou garçon. Face à la solitude des Uns-tout-seuls, la tendance serait de se trouver un partenaire sexuel doudou comme un refuge contre la rudesse des modes de jouir contemporains et qui pare au manque nécessaire à toute rencontre sous le signe du désir.
Se garantir donc la jouissance sexuelle sans en passer par le désir. Refuser le couple et son altérité pour la fraternité sexuelle !