Chaque fois que je vais au musée du Louvre, le premier tableau que je vais voir, c’est un tableau de Domenico Ghirlandaio qui date de 1490 – le Ritratto di vecchio con nipote, c’est-à-dire le Portrait du vieil homme avec son petit-fils. C’est un tableau où il est question du regard, puisqu’il apparaît clairement que le regard est précisément l’objet qui se trouve au cœur même du tableau.
Un grand-père regarde son petit-fils avec l’affection qui est celle d’un vieil homme et son petit-fils le regarde, dans le même mouvement donc, avec l’amour qui est si particulier à un enfant. Qu’y a-t-il dans le regard de l’enfant ? De l’amour, simplement ? Ou a-t-il posé une question à son grand-père ? Et qu’y a-t-il dans le regard du vieil homme ? Une sombre bienveillance avec une pointe de tristesse ? De la sagesse peut-être ? Le grand-père est-il en train de dire quelque chose à son petit-fils ?
On ne sait. La scène, par essence, est muette. Les commentateurs font remarquer qu’un contraste se marque, dans ce tableau, entre le laid et le beau. Le visage du vieil homme est en effet rendu laid, d’une façon très réaliste, par la maladie dont son nez est affecté – un rhinophyma. La beauté se rencontre ainsi surtout du côté du petit garçon aux boucles blondes. Le vieil homme serait un patricien reconnaissable au cappuccio plié sur son épaule droite. Le cappuccio, on le devine, désigne une capuche. Ce grand-père appartiendrait donc à la noblesse de Florence. Mais c’est un signe distinctif qui se détache à peine du manteau, puisqu’il est de la même couleur que lui. Si le rouge est en effet la couleur dominante dans le tableau, c’est un rouge qui donne de la chaleur à l’intimité de la scène.
L’intimité, dis-je ? Oui, l’on s’éloigne doucement du tableau à pas lents pour laisser le grand-père parler à son petit-fils. Il a tant de choses à lui raconter.