« Le fantasme a toujours cette structure. Il n’est pas simplement relation d’objet.
Il est quelque chose qui coupe. C’est un certain évanouissement,
une certaine syncope signifiante du sujet en présence d’un objet.1Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le désir et son interprétation, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Éditions de La Martinière et Le Champ Freudien Éditeur, juin 2013, p. 209.»
Le fantasme est une construction mentale qui fait office d’airbag pour protéger le sujet contre les attentats du réel. Imprévisibles, ceux-ci sont parfois d’une violence telle que la construction elle-même ne tient plus, vole en éclats, laissant le sujet sur le carreau. Apparaît alors la fragilité de la solution fantasmatique.
On doit à Lacan d’avoir dégagé la structure du fantasme comme un mixte de symbolique et de réel qui à la fois donne à la réalité son cadre et constitue une fenêtre sur le réel. Cela indique que, d’un côté, la réalité objective n’existe pas, puisqu’elle est relative au fantasme fondamental d’un sujet, et que, d’un autre côté, le fantasme a pour fonction de protéger le sujet du réel tout en lui en donnant un aperçu.
La marge est donc étroite : le fantasme est un rapport de fixité d’un sujet à un objet qui lui est propre, l’objet lacanien dit petit a. Pour écrire ce rapport, Lacan fait usage d’un signe appelé le poinçon pour désigner l’ambivalence – conjonction et disjonction simultanées – que le sujet entretient vis-à-vis de son objet d’élection.
Captif de cet objet qui s’éclipse, le sujet disparaît lorsque celui-ci réapparaît. C’est l’aphanisis. D’où la proximité du fantasme avec le désir. Dans le fantasme, le sujet est face à la présence de l’objet alors que dans le désir, l’objet est en place de cause, derrière le sujet et insu de lui. L’orientation analytique vise ce renversement.
Cet objet auquel le sujet est aliéné dans le fantasme attente à son intégrité pourtant si fragile, laquelle ne tenant qu’à un battement signifiant.
Le fantasme est donc le mode sous lequel le sujet appréhende le monde et autrui, sorte de logiciel personnel qui fonctionne à l’insu du sujet. Il donne à l’existence une dimension syncopée, rythmée par la présence ou l’absence de l’objet a. Lorsque ce dernier surgit, il vient exciter le sujet au point de lui faire perdre raison.
Dans le contrecoup de l’attentat, le sujet se restaure. C’est alors qu’il tente de rendre compte de ce qui lui est arrivé. Il est courant qu’il en attribue la responsabilité à l’Autre, mais ce n’est là qu’une défense face au réel.
Le trajet d’une psychanalyse vise, via le transfert qui met en jeu l’objet a, à ce que Lacan désigne comme traversée du fantasme. Cette traversée est possible grâce au lien transférentiel, qui lui permet que quelque chose tienne au-delà du fantasme. Mais qui dit traversée ne dit pas dissolution du fantasme. Sa structure demeure, mais le sujet a désormais une idée de ce à quoi il est assujetti.
Le fantasme est une défense qui marque sa limite ; dans l’attentat sexuel, ce qui est atteint c’est cette défense. Puisqu’il n’y a pas de rapport sexuel, chacune et chacun doit faire avec son fantasme pour appréhender le corps de l’autre.