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J43 - Trauma, Orientation

Trauma et répétition

Trois questions à Gustavo Dessal

13/11/2013
Marga Auré

 

Marga Auré, psychanalyste de l’ECF et de l’AMP, s’entretient avec Gustavo Dessal, psychanalyste et écrivain argentin.

Marga Auré : Comment comprends-tu le concept lacanien du traumatisme ?

Gustavo Dessal : Le traumatisme a été depuis le début de la psychanalyse lié au concept de répétition. Je crois que chez Lacan il y a deux façons d’aborder le problème. Le trauma est un S1 qui ne trouve pas son S2, quelque chose qui fait retour sous la forme de la chaîne cassée, pas dans le réel (à la différence de la psychose) mais dans la rupture de la continuité imaginaire de l’existence. La deuxième façon est lorsqu’un événement de jouissance dépasse les possibilités de subjectivation, c’est-à-dire qu’il fait irruption dans un au-delà du signifiant. Dans le premier cas, ce que le trauma répète est un signifiant qui n’a pas pu s’intégrer dans la chaîne. Dans le second, il s’agit d’un plus de jouissance qui ne peut pas être stabilisé dans le cadre du fantasme. Il s’agit de l’orientation que Lacan donne dans le Séminaire xi : ce qui se répète est le représentant de la représentation qui manque. (Vorstellung-repräsentanz).

M. A. : Qu’est ce que la psychanalyse d’orientation lacanienne peut proposer devant un traumatisme ?

G. D. : La psychanalyse peut faire d’un trauma un symptôme, c’est-à-dire quelque chose qui peut s’introduire dans le dispositif du sujet supposé savoir. Ceci est par ailleurs l’orientation freudienne classique, c’est en cela, je crois, que Lacan est complètement freudien. Je prends cette question dans le sens du trauma au singulier, bien évidement. Autre chose serait que nous parlions au sens général du trauma comme ce qui est la rencontre du corps et de lalangue ou bien du non-rapport sexuel, car ce dernier terme fait allusion au fait que la relation du sujet au sexe est toujours et par structure quelque chose qui participe de la  mauvaise rencontre. Sans aucun doute, cette dernière conception du trauma, en tant qu’inhérent à la condition de tout sujet prend sa place et sa re-signification dans la cure analytique.

M. A. : Comment comprends-tu la référence de Jacques-Alain Miller citée dans la brochure des Journées : « Cet inconscient comme réel est homologue à ce que nous évoquions d’abord du traumatisme. C’est certainement un inconscient non transférentiel qui est posé comme limite. C’est pourtant ce réel que Lacan prend comme le plus soi-même […] On peut jouer entre l’inconscient comme réel et puis l’opération qui le mue, le dilue aussi bien, qui est celle du sujet supposé savoir. »

G. D. : D’une certaine manière le commentaire de J.-A. Miller est impliqué dans la réponse précédente. Même si nous ne parlons pas du trauma dans le sens classique du terme, l’analysant se présente toujours comme un « traumatisé », c’est-à-dire comme quelqu’un qui éprouve une souffrance qui participe de la répétition et dont le sujet ignore sa signification. Par exemple, « traumatisé » par un échec amoureux, « traumatisé » par un deuil,  « traumatisé » par l’angoisse. Construire un symptôme est la façon d’introduire l’inconscient dans la dimension de l’histoire, c’est-à-dire le transfert. Le trauma (dans ce cas nous pouvons le penser autrement) est un événement de jouissance séparé de l’historisation. Le sujet supposé savoir est ce qui peut transformer l’inconscient sauvage en un sens à déchiffrer.

Traduction : Marga Auré