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J44 - Être mère, Orientation

Sur Le désir et son interprétation

© J. Fournier. Photo P. Metz.
23/11/2014
Esthela Solano-Suárez

« C’est au niveau du manque à être de la mère que s’ouvre pour Hans le drame qu’il ne peut résoudre qu’à faire surgir ce signifiant de la phobie dont je vous ai montré la fonction plurivalente.1Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le désir et son interprétation, texte établi par J.-A. Miller, Paris, La Martinière/Le Champ Freudien, 2013, p. 503.»

Lacan a commenté le cas du Petit Hans au cours du Séminaire v, moment où il construit la formalisation linguistique de l’ Œdipe freudien aboutissant plus tard à la métaphore paternelle. Plus tard, dans le texte « La Direction de la cure… », le désir se verra traduit en terme de métonymie, comme étant la métonymie du manque à être. Dans le Séminaire VI, Le désir et son interprétation, qui s’inscrit comme Jacques-Alain Miller l’a mis en évidence, dans la prolongation de l’écrit mentionné, Lacan mettra l’accent sur la fonction du fantasme dégageant l’objet de sa valeur imaginaire pour le concevoir comme étant un objet réel, séparé du corps par la fonction de la coupure. Il s’en déduit que l’interprétation porte non pas sur le désir comme métonymie, mais sur l’objet du fantasme.

Dans ce contexte, qui est celui du graphe du désir, s’inscrit la phrase qu’il nous est demandé de commenter.

L’enfant, dans sa position primitive inconstituée du sujet du besoin, se trouvera pris dans les conditions structurales imposées par le signifiant, du fait qu’il doit passer par la demande, c’est à dire par le signifiant. C’est dans un deuxième temps que s’institue l’appréhension de l’Autre comme tel, pour autant qu’il y a appel à l’Autre comme présence, sur fond d’absence. L’Autre maternel est celui qui peut donner au sujet la réponse à son appel.

C’est alors dans l’intervalle des avatars de sa demande d’une part, et d’autre part de l’exigence d’amour, que se situe pour le sujet l’expérience du désir comme étant celle du désir de l’Autre sous les espèces d’un Che Vuoi ? C’est à l’intérieur de ce Que veux-tu ? que le sujet aura à situer son propre désir.

Mais face au désir de l’Autre qui présentifie non seulement une opacité mais aussi un manque structural de signifiant, le sujet est sans recours, hilflos. Lacan emploie ici le terme freudien d’Hilflosigkeit, pour indiquer la détresse du sujet, le sans recours, ayant une valeur traumatique. Ce trauma aurait pour Lacan la valeur du drame auquel le symptôme névrotique répond.

L’objet phobique de Hans, le signifiant cheval, prend la valeur d’une solution, voire d’une défense, il vient s’interposer entre le désir du sujet et le désir de l’Autre, le protégeant «contre le surgissement d’une angoisse qui est plus redoutable que la peur fixée de la phobie2Ibid.».

Au cœur du drame du désir se conjuguent le point panique du sujet en tant que marqué par la division, le fading constitutif de son manque à être, et le manque énigmatique rencontré dans l’expérience du désir de l’Autre.

L’objet phobique répond à un appel au secours du sujet pour soutenir son désir en présence du désir de l’Autre et pouvoir ainsi se constituer comme désirant.

  • 1
    Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le désir et son interprétation, texte établi par J.-A. Miller, Paris, La Martinière/Le Champ Freudien, 2013, p. 503.
  • 2
    Ibid.