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J43 - Trauma, Orientation

Le rêve traumatique : le réel pour envers

12/05/2013
Carolina Koretzky

Carolina Koretzky a publié sa thèse en 2012, aux Presses Universitaires de Rennes, dans laquelle elle aborde notamment le trauma, sous le titre Le réveil, une élucidation psychanalytique.

« Le rêve est l’accomplissement (déguisé) d’un souhait (réprimé, refoulé)1Freud S., L’Interprétation du rêve, Œuvres Complètes. Psychanalyse, vol. iv, Paris, puf, 2003, p. 196.», telle est la thèse majeure de L’Interprétation du rêve qui intègre le mécanisme de censure. Le rêve est une « écriture en images2Ibid., p. 319.», venant garantir le désir de dormir. Pourtant, Freud découvre très tôt que tout dans le rêve n’est pas songe. L’interruption brusque du sommeil par l’affect d’angoisse confronte Freud au grand paradoxe du rêve : c’est le rêve, gardien du sommeil, qui provoque le réveil. Le rêve d’angoisse est généralement un accomplissement non déformé d’un désir interdit. L’angoisse éprouvée montre que ce désir inadmissible parce qu’interdit a été plus fort que la tâche de la censure. L’extrême angoisse éprouvée vient à la place de la censure en tant que cette dernière faillit dans ses fonctions de déformation. L’angoisse protège le dormeur d’un désir interdit qui ne connaîtra pas le jour. Ainsi, Freud donne comme exemple la figure d’un veilleur à charge « de réveiller le dormeur lorsqu’il se sent trop faible pour écarter tout seul le trouble ou le danger3Freud S., Conférence xiv, « Réalisations des désirs », Introduction à la psychanalyse, Paris, Payot, 2004.».

Entre 1915 et 1920, l’ensemble des acteurs en santé mentale doit faire face à un certain nombre de pathologies dites fonctionnelles à la suite de traumatismes. L’approche purement organique reste insuffisante et de nouvelles explications psychogénétiques commencent à circuler.

Le mouvement psychanalytique est aussi interpelé par cette nouvelle pathologie appelée « névrose de guerre » qui présente un matériel psychique inconnu jusqu’alors. L’étude des rêves traumatiques y est centrale. Ces derniers se distinguent nettement des rêves d’angoisse. Les rêves traumatiques ont un trait caractéristique pour Freud : le retour identique de la situation de l’accident. Le caractère insistant, répétitif et sans figuration, amène Freud à s’interroger sur le but et l’objectif en jeu dans une telle répétition. L’angoisse présente dans les rêves traumatiques cherche à produire de manière incessante – sans pour autant que sa tâche soit accomplie –, l’angoisse manquante au moment de l’accident. Cette nouvelle fonction, prend le dessus par rapport à la proposition du rêve comme un accomplissement de désir et fait des rêves traumatiques une exception. Ils obéissent à une compulsion de répétition. Un au-delà du principe de plaisir est ainsi établi théoriquement et démontré cliniquement. Dans quelques textes tardifs, Freud considère l’angoisse propre aux rêves traumatiques comme le signal d’un danger pulsionnel ayant la même valeur qu’un danger réel4Le danger réel menace à partir d’un objet extérieur mais, dans la mesure où « une revendication pulsionnelle est quelque chose de réel » indique Freud, l’angoisse névrotique a son fondement réel. Cf. Freud S., Inhibition, symptôme et angoisse, Paris, puf, 1978, p. 97..

Chez Lacan, l’angoisse dans les rêves est le signe de l’irruption et de la présence d’un objet difficile à subjectiver. La relecture du rêve du fils qui brûle5Lacan J., Le Séminaire, livre xi, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1973, p. 69. – où Freud ne voyait qu’une confirmation de la thèse de l’accomplissement de désir –, permet de saisir ce qui est à la source du réveil : l’irruption d’une autre réalité au sein du rêve.

L’irruption de la perturbation extérieure, la stimulation de l’œil du dormeur par la lumière, est assimilable, c’est-à-dire, qu’elle est reprise par une trame symbolique et imaginaire moyennant quoi le sommeil se poursuit. Mais, c’est par ce hasard, cet incident inattendu de la réalité, qu’une autre réalité fait irruption dans la scène onirique et réveille le père qui dort. Quelque chose dans la phrase dite par l’enfant, « père, ne vois-tu donc pas que je brûle », apparaît comme inassimilable. C’est la limite du travail du rêve, c’est-à-dire, la limite de la mise en scène par les moyens de la figuration.

Si bien que l’appareil psychique traduit le dérangement sensoriel grâce à l’action des processus primaires, la représentation formée porte un revers, quelque chose qui au sein de cette représentation, constitue son envers. Ceci Lacan l’appelle un réel. Lacan montre ce qui est en jeu dans certains rêves traumatiques, à savoir, que la représentation du rêve porte un revers, quelque chose qui au sein du monde de la représentation, constitue son envers.


  • 1
    Freud S., L’Interprétation du rêve, Œuvres Complètes. Psychanalyse, vol. iv, Paris, puf, 2003, p. 196.
  • 2
    Ibid., p. 319.
  • 3
    Freud S., Conférence xiv, « Réalisations des désirs », Introduction à la psychanalyse, Paris, Payot, 2004.
  • 4
    Le danger réel menace à partir d’un objet extérieur mais, dans la mesure où « une revendication pulsionnelle est quelque chose de réel » indique Freud, l’angoisse névrotique a son fondement réel. Cf. Freud S., Inhibition, symptôme et angoisse, Paris, puf, 1978, p. 97.
  • 5
    Lacan J., Le Séminaire, livre xi, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1973, p. 69.