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J50 - Attentat sexuel, Orientation

L’attentat c’est l’inconscient

© AKOM
17/09/2020
Maria Novaes

« Les mots font corps. Cela ne veut pas dire du tout qu’on y comprenne quoi que ce soit. C’est ça, l’inconscient : on est guidé par des mots auxquels on ne comprend rien […] L’essentiel de ce que dit Freud, c’est qu’il y a le plus grand rapport entre l’usage des mots dans une espèce qui a des mots à sa disposition, et la sexualité qui règne dans cette espèce. La sexualité est entièrement prise dans ces mots.1Lacan J., « Propos sur l’hystérie » (1977), Quarto, n°90, 2007, p. 9-10.»

S’il y a quelque chose de propre à la psychanalyse, et que Lacan a su mettre en exergue de l’héritage freudien, ce qui y fait mouche, c’est le caractère saisissant de l’inconscient se distinguant desdites « profondeurs de l’être », qui relèveraient d’un « sens caché », comme on peut souvent entendre quand on évoque la psychanalyse.

Le point crucial dont il s’agit réside dans la portée du signifiant en tant qu’entendu, trace dans le corps relevant du hors-sens. Du langage à lalangue, le parcours chez Lacan part de sa lecture du signifiant saussurien, dont il a relevé le caractère sonore comme primordial par rapport à la signification dès les premiers écrits freudiens – non seulement dans les Études sur l’hystérie et aussi notamment « Sur le mécanisme psychique de l’oubli2Freud S., « Sur le mécanisme psychique de l’oubli » (1898), Résultats, idées, problèmes, tome I, Paris, P.U.F, 1984.». L’exemple des plus éloquents s’y retrouve, où ce qui est de l’ordre de la sexualité est littéralement aspiré, isolé de la chaîne signifiante via un seul mot, oublié par Freud lui-même, d’après son témoignage enseignant et d’une rigueur imparable3« L’influence qui avait rendu le nom Signorelli inaccessible au souvenir ou, […] “refoulé”, ne pouvait provenir que de cette histoire réprimée concernant la valeur accordée à la mort et à la jouissance sexuelle ». Ibid, p. 102.. La psychanalyse est toute là ! On peut la lire également dans ses fondements avec cette citation de Lacan de 1977, véritable concentré concernant l’aspect le plus essentiel de ce qu’est l’inconscient freudien, et de ce qu’il porte d’attentatoire, de façon structurelle : on est guidé par des mots auxquels on ne comprend rien.

Dans son Séminaire, pour parler du traumatisme sexuel, Lacan se réfère à « cette vie qui se saisit dans une horrible aperception d’elle-même, dans son étrangeté totale, dans sa brutalité opaque, comme pur signifiant d’une existence intolérable pour la vie elle-même4Lacan J., Le Séminaire, livre v, Les formations de l’inconscient, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1998, p. 466.». Dans un écrit contemporain, il affirme également qu’« entre le signifiant énigmatique du trauma sexuel et le terme à quoi il vient se substituer dans une chaîne signifiante actuelle, passe l’étincelle, qui fixe dans un symptôme, – métaphore où la chair ou bien la fonction sont prises comme élément signifiant, – la signification inaccessible au sujet conscient où il peut se résoudre5Lacan J., « L’instance de la lettre dans l’inconscient ou la raison depuis Freud » (1957), Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 518. ». Les mots font corps, en effet. Cela nous amène aussi à ce que Lacan a pu formuler plus tard comme le motérialisme de l’inconscient, la façon dont la langue a été parlée et aussi entendue qui compte, et qui « ressortira en rêves, en toutes sortes de trébuchements, en toutes façons de dire6Lacan J., « Conférence à Genève sur le symptôme » (1975), La Cause du désir, n°95, avril 2017, p. 12.».

Cela ne veut pas dire du tout qu’on y comprenne quoique ce soit, c’est ce que nous dit Lacan. Ce qui relèvera « de la coalescence de la réalité sexuelle et du langage, sur le tard7Ibid., p. 14.» introduira cet écart à la base de ce qui fait attentat. Cet aspect de ce qui fait attentat sexuel est lisible par la psychanalyse, car il relève de ce qu’il y a de plus freudien, en étant son fondement même : « ce qui apparaît de la vie à elle-même comme signifiant à l’état pur, et qui ne peut d’aucune façon s’articuler ni se résoudre8Lacan J., Le Séminaire, livre v, Les formations de l’inconscient, op. cit., p. 466.».

  • 1
    Lacan J., « Propos sur l’hystérie » (1977), Quarto, n°90, 2007, p. 9-10.
  • 2
    Freud S., « Sur le mécanisme psychique de l’oubli » (1898), Résultats, idées, problèmes, tome I, Paris, P.U.F, 1984.
  • 3
    « L’influence qui avait rendu le nom Signorelli inaccessible au souvenir ou, […] “refoulé”, ne pouvait provenir que de cette histoire réprimée concernant la valeur accordée à la mort et à la jouissance sexuelle ». Ibid, p. 102.
  • 4
    Lacan J., Le Séminaire, livre v, Les formations de l’inconscient, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1998, p. 466.
  • 5
    Lacan J., « L’instance de la lettre dans l’inconscient ou la raison depuis Freud » (1957), Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 518.
  • 6
    Lacan J., « Conférence à Genève sur le symptôme » (1975), La Cause du désir, n°95, avril 2017, p. 12.
  • 7
    Ibid., p. 14.
  • 8
    Lacan J., Le Séminaire, livre v, Les formations de l’inconscient, op. cit., p. 466.