Il est aisé de comprendre que l’enfant ne devine jamais ce qu’est en réalité l’union des sexes ; il y substitue d’autres représentations qui découlent de ses expériences et sensations. Ses désirs culminent habituellement dans l’intention de mettre un enfant au monde ou – d’une manière indéterminable – de l’engendrer. Le petit garçon, dans son ignorance, ne se prive pas non plus du désir de mettre un enfant au monde. Toute cette construction psychique nous l’appelons, d’après la légende bien connue, le complexe d’Œdipe.
S. Freud1Freud S., La question de l’analyse profane (1926), Paris, Gallimard, 1981, p. 76.
Freud soutient que la représentation du coït entre les parents est impossible. À la place de l’acte sexuel irreprésentable, le fantasme met en fonction un autre acte où le sujet s’identifie à la femme qui engendre. Comme tout fantasme, celui-ci se construit à partir de fragments où se mêlent sensations issues d’expériences de satisfaction, incidents vus et paroles entendues. Si le rapport sexuel entre les sexes ne s’écrit pas, le fantasme de grossesse y supplée. C’est le premier point.
Par ailleurs, le fantasme de grossesse est attesté dans les deux sexes et correspond au désir de recevoir un enfant du père. Freud en donne plusieurs illustrations cliniques, montrant la façon dont un sujet masculin peut refouler ou rejeter son attitude féminine envers le père.
Dans le contexte de l’hystérie masculine, il étudie par exemple la névrose du peintre Christophe Haitzmann dont la nostalgie du père fut ravivée par la mort de celui-ci. Le fantasme, depuis longtemps refoulé, d’obtenir un enfant du père émergea avec force. Dans le fil de sa démonstration, Freud reprend aussi le cas du président Schreber qui avait la conviction que Dieu voulait user de lui comme d’une femme afin d’engendrer par lui des hommes nouveaux. Dans un cas, le sujet se défend d’une position féminine, dans l’autre, il tend à sa réalisation. Le fantasme de grossesse se réfère ici au refus ou au rejet de la castration.