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J44 - Être mère, Orientation

La psychose chez l’enfant

dans l’enseignement de Jacques Lacan

© J. Fournier. Photo P. Metz.
30/09/2014
Daniel Roy

Le fantasme des psychanalystes d’enfants, c’est qu’il y a une harmonie entre l’enfant et sa mère.

É. Laurent1Laurent É., « La psychose chez l’enfant dans l’enseignement de Jacques Lacan »,Quarto, n° 9, 1982, p. 11

Cette phrase présente le grand intérêt de condenser deux passages de l’article de Lacan « Allocution sur les psychoses de l’enfant » : « Par impuissance de poser ce statut du fantasme dans l’être-pour-le-sexe […] la psychanalyse bâcle avec du folklore un fantasme postiche, celui de l’harmonie logée dans l’habitat maternel » ; et, plus loin : « L’important pourtant n’est pas que l’objet transitionnel préserve l’autonomie de l’enfant mais que l’enfant serve ou non d’objet transitionnel pour la mère.2Lacan J., « Allocution sur les psychoses de l’enfant », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 361-371.»

En effet, la seconde phrase indique précisément la conséquence qui se déduit de la mise en place par la psychanalyse de ce « postiche », de ce faux-nez donc qui vient s’introduire entre mère et enfant, le semblant phallique quand il ne s’avoue pas comme tel. Ce postiche vient alors servir cette « connivence sociale qui fixe l’enfant à la mère », dont Lacan parlera plus tard dans son Séminaire L’envers de la psychanalyse.

Là où les psychanalystes d’enfant situent une harmonie primaire, sous des termes divers comme celui de « dyade mère-enfant » par exemple, Lacan fera monter le terme de « malentendu », ce qui fait entendre un autre son de cloche !

De fait, la rencontre d’un enfant avec un psychanalyste est l’occasion unique pour qu’il fasse résonner, avec ses mots à lui, la dysharmonie singulière qu’est son symptôme.

Deux conclusions se déduisent alors de cette citation d’Éric Laurent.

– On voit qu’un enfant peut tirer des conséquences fort diverses de sa rencontre avec un psychanalyste : il peut vouloir construire avec son aide un « terrain d’entente » qui préserve un tel fantasme d’harmonie ; cette stratégie de conciliation – de l’enfant avec son environnement, de l’inconscient avec la pulsion, etc. – prend appui, comme évoqué plus haut, sur la consolidation du leurre phallique entre l’enfant et la mère. L’orientation lacanienne vise un tout autre point : la possibilité, pour cet enfant, d’explorer les zones d’irréconciliable, car cette aventure-là ne peut se faire en aucun autre lieu que celui de la cure analytique. Nulle dénonciation des semblants ne s’en déduit, tout au contraire, puisque cela permet à un enfant de savoir que sa mère est une femme qui n’a pas réponse à tout !

– Face à cet enjeu, il n’y a donc pas à proprement parler de « psychanalystes d’enfants » qui vaillent !


  • 1
    Laurent É., « La psychose chez l’enfant dans l’enseignement de Jacques Lacan »,Quarto, n° 9, 1982, p. 11
  • 2
    Lacan J., « Allocution sur les psychoses de l’enfant », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 361-371.