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J44 - Être mère, Une lecture du discours courant

« La journée peut être longue »

Entretien avec Angèle Terrier

© J. Fournier. Photo P. Metz.
25/05/2014
Angèle Terrier

Pour les J44, Fouzia Liget s’entretient avec Angèle Terrier, directrice du CLAP (Consultation et lieu d’accueil psychanalytique).

J44 : Qu’est-ce qui pousse les mères à venir consulter au CLAP ?

Angèle Terrier : Leur solitude. Au CLAP, nous accueillons des femmes avec des bébés parfois très petits qui viennent parce que la journée avec un nouveau-né peut être longue. Elles ont besoin de partager les questions qui les traversent mais aussi tout simplement d’être accueillies par un Autre bienveillant. Souvent leurs familles sont loin ou peu présentes. La question du regard est cruciale chez ces femmes à fleur de peau, fatiguées par l’arrivée d’un enfant. Leur corps est transformé, elles connaissent parfois un moment fragile sur le plan narcissique. Elles veulent souvent rencontrer d’autres femmes avec des bébés, elles cherchent un Autre d’où elles peuvent se voir avec leur enfant. Quand l’enfant grandit, c’est un symptôme plus précis qui les pousse à venir et les pères se déplacent également.

J44 : Quels sont les demandes qui motivent cette démarche ?

A. T. : Plus l’enfant est grand et plus la demande se précise — le CLAP accueille les enfants de moins de 5 ans. C’est l’enfant symptôme qui pousse alors les parents à venir nous rencontrer. Les symptômes sont, dans la plupart des cas, des difficultés de sommeil de l’enfant qui sèment la zizanie dans le couple. Mais ce sont aussi des difficultés de séparation au moment de la reprise du travail avec la question du sevrage pour les mères. C’est aussi parfois les colères ou l’agressivité d’un enfant liées à la naissance d’un deuxième.

J44 : Quels sont les effets du dispositif analytique sur la demande initiale ?

A. T. : Pour les mères de nourrissons, le dispositif analytique leur permet d’affirmer leur manière de faire avec leur enfant, là où souvent elles se disent perdues, angoissées face aux multiples conseils qu’elles reçoivent de la famille ou du milieu médical. Pour les plus grands, la rencontre analytique permet de dégager une place pour le sujet qui permette à l’enfant de mettre en jeu son propre désir, et de le déloger ainsi de la position de symptôme des parents.

J44 : Un mot sur le lien que vous avez avec les partenaires sociaux et le retour qu’ils peuvent vous faire sur le dispositif inédit qu’est l’association CLAP ?

A. T. : Les partenaires de l’arrondissement (maternité, PMI, crèches, écoles) sont satisfaits et même soulagés d’avoir dans le quartier un lieu facile d’accès pour les familles, anonyme, sans rendez-vous, où adresser les parents désorientés face aux difficultés qu’ils rencontrent avec leur enfant.

J44 : Que vous ont enseigné ces mères que vous avez rencontrées au CLAP en tant que femme et mère ?

A. T. : Un accouchement, l’énigme qu’est le bébé naissant qui tranche avec l’enfant fantasmé pendant la grossesse, peut déstabiliser le rapport à l’Autre. Je vous répondrai plus précisément par une confidence. À la naissance, mon bébé était assez petit, ce qui nécessitait une surveillance médicale un peu resserrée à la maternité. L’angoisse surgissait de la rencontre avec ce réel et il m’était insupportable que quiconque me renvoie que mon bébé n’était pas assez gros. La parole d’une infirmière qui me confiait combien elle avait toujours préféré les petits bébés m’apaisa, elle devenait celle dont j’acceptais les conseils.