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J48 - Gai, gai, marions-nous !, Orientation

La clarté de l’engagement

Le sérieux des parents

© J. Fournier.
12/10/2018
Alexandre Stevens

J48 : Quels sont les effets du mariage sur les enfants que vous êtes amenés à rencontrer ? Que les parents soient mariés ou non, cela change-t-il quelque chose ?

Alexandre Stevens : L’effet du mariage ou pas dépend de la clarté de l’engagement des parents plus que de l’inscription légale. Je n’ai pas entendu d’enfant qui était en difficulté parce ses parents n’étaient pas mariés. Du moins dans la génération actuelle. Par contre on peut saisir dans l’après-coup, chez l’adulte ou déjà chez l’enfant, les effets de l’hypocrisie d’un des parents, bien plus ravageante que l’absence d’inscription symbolique dans le mariage. Le ravage peut survenir quand se découvre que le père avait une autre vie et non seulement une autre femme mais aussi des enfants avec elle. Pas forcément cependant, à quoi on voit qu’il n’y a pas d’automatisme dans le trauma.

Il arrive aujourd’hui, plus souvent qu’hier, que les parents se marient alors qu’ils ont déjà des enfants de leur union. Cela a forcément un effet sur les enfants. La situation est différente si le mariage est à la fois un acte et une fête, ou s’il se réduit à une inscription pratique, du style « mieux vaut pour les enfants et puis c’est plus rassurant pour l’avenir ». Cela permet des positions variées. Ainsi par exemple, dans le premier cas la fille du couple se sentait si agréablement impliquée dans la fête qu’elle a pu dire « notre mariage » en parlant de celui de ses parents, se reprenant l’instant d’après en riant de l’ambiguïté de son lapsus. Dans le second, un analysant me disait que ses enfants étaient au courant mais qu’ils ne viendraient pas à la cérémonie : autre effet.

J48 : S’agit-il d’une question portant sur le désir de l’Autre ? D’un idéal projeté dans un avenir ? Les théories sexuelles infantiles sont-elles influencées par le mariage ou le célibat des parents ?

A. S. : Il ne s’agit pas d’idéal mais d’une question posée au sérieux des parents ou à leur manque de sérieux. Lacan dit ainsi de l’enfant face à ses parents : « l’écœurement qu’il ressent de l’infantilisme de ses parents, est précisément celle dont ces véritables enfants que sont les parents (il n’y en a en ce sens pas d’autres qu’eux dans la famille) entendent masquer le mystère de leur union ou de leur désunion selon les cas, à savoir de ce que leur rejeton sait fort bien être tout le problème et qu’il se pose comme tel1Lacan J., « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose », Écrits, Paris, Seuil, 1966., p. 579.». Pour l’enfant, il n’y a pas d’idéal dans le mariage mais un mystère.

J48 : Le divorce est-il toujours un traumatisme ? Quelles sont les conséquences cliniques du ratage du mariage ?

A. S. : Toute la clinique montre qu’il faut pouvoir parler aux enfants, sans anticiper leur question mais sans refuser d’y répondre ou s’y dérober. On rencontre des situations très contrastées. Il y a l’enfant qui prend les choses avec une indifférence feinte ou non mais dont on peut penser qu’il aura un jour à en régler le solde. Il y a ceux qui éprouvent le soulagement de la fin des incessantes disputes du couple – bien que parfois la haine puisse être, après la rupture, un ciment plus solide que ne l’a été un temps l’amour et que les enfants sont alors emportés dans le tourbillon. Et puis il y a aussi celles ou ceux qui vivent la séparation comme un abandon. Dans ces cas, la fille ou le garçon éprouve que le parent qui est parti n’a pas seulement quitté son conjoint, mais l’a aussi, ou surtout, laissé tombé, elle ou lui.

 

 

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    Lacan J., « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose », Écrits, Paris, Seuil, 1966., p. 579.