Il peut arriver qu’un sujet, sans pour autant avoir choisi l’option du célibat, soit néanmoins empêché d’accéder aux résolutions sinthomatiques du mariage du fait, par exemple, qu’il est aux prises avec une jouissance antagoniste, celle de l’hésitation.
Nous sommes le 29 décembre 1897, et c’est d’une plume légère, un peu taquine – « je vais encore trop bien pour travailler sérieusement » – que Freud, de retour d’un séjour à Breslau avec son ami Fliess, écrit à ce dernier pour lui faire part de ses plus récentes trouvailles.
L’un de ses patients s’était souvenu d’une crise d’angoisse, qui avait éclaté à l’âge de dix ans, alors qu’il essayait d’attraper un hanneton (Käfer, en allemand). L’interprétation de cet accès était restée obscure, jusqu’à ce que le patient en vienne à aborder le chapitre de l’indécision.
Lui revient alors en mémoire une conversation entre sa grand-mère et sa tante à propos du mariage de sa mère, déjà décédée à ce moment-là, où il est rappelé combien cette maman avait tergiversé avant de se décider, enfin, à se marier. Les associations du patient le mènent du Käfer au Marienkäfer (coccinelle, littéralement : « hanneton de Marie »). Sa mère, cette indécise, s’appelait Marie, et ce nom n’est pas sans résonance, pour ce patient par ailleurs francophone, avec le « mariage » sans doute maintes fois différé.
Le français, première langue de ce sujet, lui avait été enseigné par celle qui avait été à la fois sa bonne d’enfants et son premier amour. Et voici que, lors de la séance suivant l’évocation de la conversation mentionnée plus haut, il apporte lui-même l’interprétation de son accès d’angoisse, que Freud retranscrit ainsi à l’intention de Fliess : Käfer = Que faire ?, qui signe l’irrésolution. Bonheur du déchiffrage !
Nous n’en apprenons pas plus dans cette lettre du 29 Décembre. Le jeune patient était-il lui-même indécis? En difficulté avec une promesse de mariage? L’imago de la nourrice française était-elle trop prégnante pour que s’opère un nouvel investissement d’objet? Le sujet était-il aux prises avec une identification maternelle ? Freud ne donne pas le détail du cas. Nous savons seulement la perplexité et l’angoisse d’un sujet en proie à cette question brûlante et vertigineuse : Que faire ?