Roméo et Juliette, Tristan et Yseult, Paul et Virginie, Ulysse et Pénélope, Rodrigue et Chimène, Emma et Charles, Heloïse et Abélard, Cyrano et Roxane, Carmen et Don José, Julien et Madame de Rénal, Titus et Bérénice et tant d’autres plus ou moins célèbres ! Tous ces couples de l’histoire ou/et de la littérature, condamnés à l’impossible union.
Mais en revanche, on fait beaucoup moins référence aux nombreux couples qui ne parviennent pas à se séparer et qui pourtant sont préoccupés, tourmentés pendant toute la durée de leur union par cette question.
C’est souvent cette impasse qui les amène à rencontrer l’analyste, à lui dire dans le menu toutes les raisons de rompre cette union, toute la souffrance endurée jusqu’aux violences, l’incompréhension voire l’insupportable, le « plus rien à se dire », l’extinction du désir.
L’analyste pourrait, au bout d’un certain temps, être tenté de leur dire : « Et alors ! Pourquoi ne pas le ou la quitter ? »
Doucement ! s’il ou elle ne la (le) quitte pas, c’est qu’il y a des raisons et pas des moindres.
On se doit d’aborder cette question avec prudence car les causes sont multiples et complexes et doivent être mesurées au cas par cas.
Choisissons cependant une direction.
La première séparation difficile voire impossible pour certains, c’est bien la séparation maternelle, réellement ou symboliquement.
Il arrive que l’objet amoureux soit le déplacement métonymique de l’objet maternel et dans ces cas le lien reste inséparable. Rien ne peut décider de mettre fin à ce lien primordial si fort.
Lacan, à la fin du Séminaire L’angoisse a distingué avec une grande finesse le deuil et la mélancolie, à partir de Freud. Le deuil concerne l’objet symbolique, c’est en ce sens qu’il est dépassable, métabolisable. Plus difficile est le lien réel qui concerne par exemple l’objet de la mélancolie.
Il y a des liens amoureux dont on ne peut pas faire le deuil, des liens qui s’éternisent dans la douleur et le tourment.
Peut-être peut-on saisir par-là pourquoi tant de femmes ne peuvent quitter un homme violent. Quand la violence réelle est au cœur du lien, quand la jouissance mortifère soude un lien, il est bien souvent difficile de trouver les moyens symboliques pour pouvoir se résoudre à le rompre et il arrive même que la séparation ne puisse s’effectuer que par un acte réel. L’actualité est là pour nous en donner un exemple saisissant. En 2012, après quarante-sept ans de vie commune et de violences conjugales répétées, Jacqueline Sauvage a été arrêtée après le meurtre de son mari d’un coup de fusil de chasse dans le dos.
Lors de son second procès en 2014, le rapport psychiatrique indique qu’ « il n’y a pas de remise en question de son acte, car elle se sentait toujours victime d’un homme dont elle n’a pas réussi à se libérer. »
C’est bien cela !