Le numérique s’est aussi introduit dans le couple.
« Un glissement de doigt, c’est à ça que je dois la rencontre avec elle. » La première fois que Fabien, dix-neuf ans, l’a vue, c’était sur une photo numérique, une parmi des dizaines. Chaque fois, deux possibilités, le cœur ou la croix. « Tu fais glisser à droite, tu likes, à gauche, tu jettes. »
Après les sites de rencontres apparus en fin 1990, des Apps dédiées ont conquis le marché de l’amour. Tinder, lancée en 2012 par quatre Américains, a conquis le marché des rencontres hétérosexuelles en y ajoutant la géolocalisation. L’application fait défiler des profils avec plusieurs critères, dont le sexe et la position géographique. L’utilisateur doit indiquer s’il les apprécie (swipe right) ou non (swipe left).
Si l’attraction est réciproque, ils sont mis en relation et peuvent échanger des messages
Affaire rapide et efficace, banale au xxie siècle. Il y est question de passer par le virtuel pour arriver à la réalité supposée et/ou espérée de la rencontre. Relations amoureuses et sexuelles en série ? Véritable addiction au plan sexe facile pour les jeunes ?
Je te quitte en un clic
Après les Apps de rencontre, l’App de rupture ! Fictive et utopique ? Imaginaire ?
« Imaginez que vous puissiez rompre avec une personne de la même manière que vous débutez une relation… La rupture est l’une des seules choses pour lesquelles il n’y en avait pas encore, constate Ian Greenhill, trente-six ans, cofondateur de Binder, qui va ravir les séducteurs et séductrices qui n’ont pas de temps à perdre en ruptures délicates. Cette application se charge de rompre illico via des messages préenregistrés.
Binder propose à ses utilisateurs de se charger de la rupture et se veut le Tinder des geeks qui n’affrontent pas la personne à qui ils annoncent la fin de leur histoire, achèvent ainsi une relation sans les embrouilles amoureuses et hors la présence des corps vivants. Ne serait-ce pas une invention contemporaine pour court-circuiter le rapport à l’autre et les malentendus entre les sexes dès lors que l’être parlant est affecté du langage ?
Le réel serait contourné, l’engagement dans la parole réduit à des excuses préformatées et codifiées à cocher.
Binder est un nom construit sur un jeu signifiant : Bin est la corbeille, en anglais, le nom de l’App se prononçant binned her, « la mettre à la corbeille » !
Le principe est simple : mettre fin à la relation du bout du doigt, envoyer son profil dans une poubelle ornée d’un cœur ; l’App propose alors plusieurs phrases d’excuses préfabriquées, de la basique et laconique – je préfère être seul(e) – à la provocante et dénuée de toute responsabilité – ce n’est pas moi, c’est clairement toi – jusqu’à celle chargée de pathos – j’ai l’impression de vivre dans un cauchemar duquel je ne peux pas sortir.
Il y a plus. Une autre solution plus altruiste encourage l’autre à trouver mieux ailleurs – tu mérites le rêve, maintenant sois libre et va attraper ce joli papillon.
Un message est ensuite envoyé au destinataire avec le texte choisi, le tout enrobé dans un SMS impersonnel signé par Binder.
À portée de doigts ! Certains sont très satisfaits par l’application Binder. Actuellement, l’application est notée 4,5 sur le Google Play Store, et l’on peut lire dans les commentaires : « Cinq années d’enfer envolées grâce au pouvoir de mon index. Merci Binder ! »
Pour J.-A. Miller, le partenaire est un partenaire symptôme, c’est avec lui que le sujet joue sa partie dans sa vie. Il peut être partenaire image comme pour ces « applis » dites branchées. Quid des paroles, du discours amoureux quand la première « approche » se résume à un like qui ne conduit pas forcément au partenaire sexuel ? Le rapport au sexe est déterminé pour chacun par une rencontre, une contingence. Ces Apps de rencontres auraient-elles de l’avenir puisqu’on ne peut venir à bout du rapport sexuel intranscriptible dans une formule universelle !