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J44 - Être mère, Orientation

Donald Woods Winnicott et le savoir des mères

© J. Fournier. Photo P. Metz.
27/10/2014
Laura Sokolowsky

« Je suis un homme et, par conséquent, je ne peux pas savoir réellement ce que c’est que de voir là, emmitouflé dans un berceau, un petit morceau de ma personne », écrit Winnicott au début de L’enfant et sa famille1Winnicott D. W., « Un homme se penche sur la maternité », L’enfant et sa famille, Paris, Payot, 1981..

Il considère que seule une femme peut faire l’expérience de voir ce petit bout de soi devenir une personne. Ne serait-ce qu’en imagination, si l’expérience de la maternité fait défaut à une femme. Winnicott estime qu’un homme n’a pas accès à la maternité, fut-ce par le medium de son fantasme. La maternité est un savoir réservé aux femmes.

Mais que savent-elles ? Au cours des tous premiers stades de la vie d’un être humain, survient ce moment crucial où le bébé remarque que sa mère est quelqu’un de différent de lui, ce qui permet à celle-ci de s’assurer que son enfant communique avec elle. Alors, « vous ne pouviez pas faire toutes les choses en vous contentant de parler du fond de la pièce2Ibid., p. 10.». Au fondement du savoir maternel, il y a la certitude que la parole de la mère doit être proche du corps de l’enfant. Il faut parler au petit morceau de sa personne, c’est important.

Les mères savent soigner le corps de leur bébé, elles savent le prendre et le remettre dans le berceau, le laisser tout seul à son aise ou lui changer ses couches. Le protéger du froid, le dorloter, voire même, « quelques fois, l’urine mouillait votre tablier, ou bien vous traversait et vous inondait comme si vous vous étiez laissé aller vous-même, mais cela n’avait pas d’importance. Ces choses, en fait, auraient pu vous permettre de savoir que vous étiez une femme, une mère normalement dévouée3Ibid.».

En tant qu’homme qui s’adresse aux femmes, Winnicott sait qu’il ne s’agit pas ici d’intelligence, mais d’un amour qu’il qualifie d’ « assez primitif4Ibid., p. 11.». Il n’idéalise pas l’amour maternel qui est, simultanément, générosité, pouvoir et humilité. C’est un désir de possession. C’est un appétit, mais aussi, son élément contraire. C’est un rejet brutal. Comme Winnicott le précise: « La sentimentalité est tout à fait exclue et elle répugne aux mères.5Ibid., p. 12.»

Les mères savent faire, mais elles ignorent la signification de ce qu’elles font. Le risque qui les menace, dont elles ne parviennent pas à se défendre, est celui de gâcher leur travail en prenant exemple sur leurs propres mères ou en lisant des livres.

De son côté, la relation du bébé avec le monde s’effectue en trois stades. Le premier stade est celui où, créature vivante entourée d’espace, le bébé communique peu. Au second stade, le bébé remue son corps et s’étire un peu : l’espace est traversé, le bébé a surpris l’environnement. L’opération inverse se produit au troisième stade, lorsque la mère est surprise par un coup de sonnette ou bien par la casserole qui se met à bouillir. L’espace est de nouveau traversé, mais cette fois, c’est l’environnement qui surprend le bébé.

Pour Winnicott, l’expérience maternelle est de l’ordre d’un réel, puisqu’il s’agit de la constitution de l’espace et de sa traversée par l’enfant. Voici pourquoi seules les mères peuvent nous dire ce que nous désirons savoir.

 


  • 1
    Winnicott D. W., « Un homme se penche sur la maternité », L’enfant et sa famille, Paris, Payot, 1981.
  • 2
    Ibid., p. 10.
  • 3
    Ibid.
  • 4
    Ibid., p. 11.
  • 5
    Ibid., p. 12.