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J52 , Une lecture du discours courant

Dénis, démentis, rejets de l’inconscient

12/07/2022
Carole Dewambrechies-La Sagna

Le vendredi 8 juillet le journal Le Monde titrait « Comment l’extrême droite a infiltré les médias1Cassini S., Dassonville A., « Comment l’extrême droite a infiltré les médias », Le Monde, 8 juillet 2022. » et soulignait l’euphémisation qui avait permis au phénomène d’exister. Qu’est-ce qu’un euphémisme ? Du grec, on pourrait le traduire par : un dit bien choisi. Avec le temps, le sens en est devenu plus précis. Le Littré cite Dumarsais : « L’euphémisme est une figure par laquelle on déguise des idées désagréables, odieuses ou tristes, sous des noms qui ne sont point les noms propres de ces idées.2Dumarsais, Traité des Tropes, II, 15, cité par le Littré en ligne. »

Ce déguisement utilise la technique du cheval de Troie : on se cache pour entrer dans la place. Mais le procédé, pour porter ses fruits, doit bien rencontrer dans l’esprit humain, ou chez le parlêtre qui le lit ou l’écoute, un mécanisme qui rend possible de ne pas le décrypter ou de ne pas tout à fait le décrypter. Ce mécanisme ne pourrait-il pas être de l’ordre du démenti du réel ?

Le démenti du réel peut s’entendre, comme le propose Lacan pour ce type d’expression, au sens subjectif et au sens objectif.

Au sens objectif, Freud fait valoir que l’appareil psychique n’est pas fait pour appréhender le réel mais d’abord pour répondre au principe de plaisir. Dès lors, face au réel l’appareil psychique se défend, et d’abord par le démenti. Face au réel, il oppose un démenti, c’est-à-dire une négation ambigüe, non exempte d’affirmation. En ce sens, le démenti fait lit de l’euphémisme.

Mais le démenti du réel a aussi un sens subjectif. C’est celui que fait valoir Lacan dans son dernier enseignement. « Le démenti, dit-il en 1975, a rapport avec le réel. Il y a toutes sortes de démentis qui viennent du réel3Lacan J., « Conférences et entretiens dans des universités nord-américaines », Scilicet, n° 6-7, 1976, p. 37. ».

Dans ce registre, ce n’est pas le bien dit – eu-phémisme – qui prévaut, mais le bien dire qui existe au dit dans le mi-dire. L’écrasement du dire s’entend dans la clinique de l’anorexie ou de la mélancolie, du démenti au négativisme, du « je mange rien » à « je ne suis rien » ou « je n’ai pas d’organe » du délire de négation qui fait écho à un « je suis » indicible.


  • 1
    Cassini S., Dassonville A., « Comment l’extrême droite a infiltré les médias », Le Monde, 8 juillet 2022.
  • 2
    Dumarsais, Traité des Tropes, II, 15, cité par le Littré en ligne.
  • 3
    Lacan J., « Conférences et entretiens dans des universités nord-américaines », Scilicet, n° 6-7, 1976, p. 37.