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J47 - Apprendre : désir ou dressage, Une lecture du discours courant

Autisme : désir et créativité

© J. Fournier.
19/10/2017
Myriam Perrin Cherel

« Je me suis résolue à découvrir ma fille sous un jour nouveau. Je la suivrais. J’essaierai de comprendre son univers au lieu d’essayer en permanence de lui trouver une place dans le nôtre.

A. Carter-Johnson1Carter-Jonhson A., Iris Grace, Paris, Presses de la Cité, 2017, p. 82.

Iris Grace a un peu plus de trois ans quand, en juin 2013, la presse britannique relate massivement l’histoire de cette petite fille dont les toiles provoquent l’engouement sur le net, à tel point que ses tableaux s’arrachent à près de 800 £. Les experts d’art parlent de « surprenantes peintures aux allures d’aquarelles impressionnistes », reconnaissent les « qualités plastiques des œuvres », et « apprécient la composition, l’utilisation des couleurs et de la texture2Claude C., « Le génie pictural d’une fillette autiste », L’Express, 5 juillet 2013.». On compare ses créations à ceux de Claude Monnet et les journalistes du Daily Mail, auquel a été accordé un entretien filmé au domicile de la famille, font part d’un environnement similaire au jardin de Giverny, où le grand peintre français trouvait inspiration.

Le jeune âge bien sûr de la fillette participe grandement au Buzz sur la Toile, sa créativité hors du commun fait exception d’autant qu’elle ne peint que depuis quelques mois. Mais surtout, le réel en jeu suscite l’émotion. Car Iris ne parle pas, s’isole massivement, refuse tout contact avec autrui, ne supporte que la présence de sa mère à ses côtés. Iris Grace est diagnostiquée autiste sévère, et on lui prédit un destin funeste. Pourtant. Un jour, sa mère décide de se servir de toutes les passions de sa fille : « C’étaient autant de clés précieuses pour pénétrer dans son univers, m’approcher d’elle et approfondir notre lien.3Ibid.» Si Iris se passionne pour les livres, les films animés et la musique depuis tout bébé, « mon changement de perspective, écrit sa mère, m’a permis de m’apercevoir que le dessin était un de ses grands centres d’intérêts4Ibid., p.83». C’est alors qu’elle décide de la laisser dessiner autant qu’elle le souhaite. Elle devient son « assistante efficace5Ibid., p.162». Iris peint des heures et les métamorphoses sont rapidement manifestes.

À défaut de l’aliénation signifiante, le sujet autiste compense par un appui aliénant à un bord, « comme tentative de rajouter un organe quand justement le langage n’a pas pu faire organe6Laurent É., « Réflexions sur l’autisme », Bulletin Groupe Petite Enfance, no10, Nouveau réseau Cereda, 1997, p. 43.», précise Éric Laurent. Pour Iris, la peinture cadre en son image l’objet réel en jeu, le regard, « retour de la jouissance [scopique] sur un bord7Ibid., p. 156.». « Son comportement autrefois répétitif et obsessionnel cédait la place à une grande curiosité. Elle ne se montrait plus distante, ne se coupait plus de l’extérieur8Carter-Jonhson A., Iris Grace, op. cit., p. 82.». Iris s’ouvre aux autres et c’est le monde sous ses yeux qu’elle dépose sur la toile. Mais Iris peint ce qu’elle voit en le voilant d’eau ; l’aquarelle a cette fonction de mettre à distance l’objet réel en jeu, le regard. De plus, la peinture lui permet de sortir de son silence. Elle nomme ce qu’elle peint. Ensuite, à l’aide d’imagiers très colorés, elle apprend des centaines de mots. Mais, c’est la venue d’un chat, Thula, qui fera nettement la différence. Son ouverture au monde, son rapport au corps et à la parole s’en trouvera grandement enrichie. Elle énonce d’ailleurs au chat : « Je suis la peinture. »


  • 1
    Carter-Jonhson A., Iris Grace, Paris, Presses de la Cité, 2017, p. 82.
  • 2
    Claude C., « Le génie pictural d’une fillette autiste », L’Express, 5 juillet 2013.
  • 3
    Ibid.
  • 4
    Ibid., p.83
  • 5
    Ibid., p.162
  • 6
    Laurent É., « Réflexions sur l’autisme », Bulletin Groupe Petite Enfance, no10, Nouveau réseau Cereda, 1997, p. 43.
  • 7
    Ibid., p. 156.
  • 8
    Carter-Jonhson A., Iris Grace, op. cit., p. 82.