« Ce qui frappe dans les Studien über Hysterie, c’est que Freud arrive presque, et même tout à fait, à dégueuler que c’est avec des mots que ça se résout1Lacan J., « Propos sur l’hystérie » (1977), Quarto, n°90, 2007, p. 9.»
Entre 1895 et 1897, Freud pensait réduire la sexualité à un trauma de la séduction par le père ou son substitut qui serait la cause de l’hystérie. Sans nier qu’il puisse aussi se produire des abus réels, il écrit à W. Fliess2Freud S., Lettre du 21 septembre 1897 à Wilhelm Fliess, La naissance de la psychanalyse, Paris, PUF, 1956, p. 190-193., en l’argumentant, ne plus croire à sa neurotica comme cause de la névrose. Suite à l’abandon de cette théorie, Freud « a pensé que c’est dans la sexualité comme telle qu’il fallait trouver la cause nécessaire du malaise dans la sexualité, et non dans la contingence3Laurent É., « Le trauma à l’envers », Ornicar digital, n°204, mai 2002, disponible en ligne». C’est la rencontre avec la sexualité comme hors sens qui fait effraction, qui est traumatique et non l’événement en lui-même.
Dans ses Études sur l’hystérie4Freud S., Études sur l’hystérie, Paris, PUF, 1990., Freud donne la parole à des femmes dont les symptômes – entre corps et langage –, sont venus défier le savoir des médecins. Il y avait une urgence subjective pour ces femmes à rencontrer un partenaire, ce qu’elles trouvent en la personne de Freud qui accuse réception de leurs paroles. Rien à voir avec un pousse-à-dire contemporain ! Le symptôme qui est un mode de défense, a un sens. Quelque chose cherche à se dire qui peut être déchiffré. Comme dans le rêve, par substitution et déplacement, un symptôme se constitue. Il est le résultat d’une substitution signifiante5Cf. Baup R., « La conversion hystérique. Le symptôme comme évènement de corps », Cahiers cliniques de Nice, n°14, octobre 2015, p. 27..
c’est dans la sexualité comme telle qu’il [faut] trouver la cause nécessaire du malaise dans la sexualité, et non dans la contingence
É. Laurent
Lacan ajoute dans son « Propos sur l’hystérie6Lacan J., « Propos sur l’hystérie », op. cit.», « que l’affect n’engendre plus de symptôme quand l’hystérique commence à raconter cette chose à propos de quoi, elle s’est effrayée7Ibid., p. 9.». Elle se fait donc peur à elle-même et elle en jouit. « Nous sommes-là dans le circuit de ce qui est délibéré, de ce qui est conscient.8Ibid.» Il y aurait à distinguer ce qui est inconscient de ce qui est conscient. Ce n’est pas l’affect « désarrimé du signifiant qui le représente9Bosquin-Caroz P., « De l’émotion à l’affect », La Cause du désir, n°93, Août 2016, p.31.» qui est refoulé mais « ce sont les signifiants qui l’amarrent10Lacan J., Le Séminaire, livre X, L’angoisse, texte établi par Jacques-Alain Miller, Paris, Seuil, 2004, p. 23.».
Prenons l’exemple de Katharina11Freud S., Études sur l’hystérie, op. cit., p. 98-106., dix-huit ans. Cette jeune fille présente comme symptôme des difficultés pour respirer, des vomissements. Lors de ses accès d’angoisse, un visage horrible la regarde d’un air effrayant. Elle dit à Freud qu’il y a deux ans, elle a surpris son oncle12Freud révéla ultérieurement qu’il ne s’agissait pas de l’oncle mais du père de Katharina. avec sa cousine dans un lit. Puis, elle se rappelle de ce qui a fait attentat sexuel pour elle : son oncle avait cherché à la séduire, deux, trois ans auparavant sans qu’elle en saisisse le sens mais qu’elle s’était défendue. Ce n’est pas la vue du couple oncle-cousine qui l’avait dégoûtée « mais le souvenir réveillé par ce spectacle13Ibid., p. 103.». L’hystérique souffre de réminiscence. Le fantasme – qui est aussi un mode de défense – joue sa partie, reste fixe et aura à être traversé. C’est le souvenir intriqué au réel de la jouissance qui est traumatique. Quant au visage effrayant, Katharina l’interpréta comme étant celui de l’oncle en colère qui l’accuse d’être responsable de son divorce après qu’elle ait révélé les faits. Lacan souligne que l’affect peut s’aérer avec des mots et le rendre alors inoffensif14Cf. Lacan J., « Propos sur l’hystérie », op. cit..