« J’peux pas, j’ai cartel », voici la réponse que m’adresse une collègue au moment où je lui propose une sortie. Alors ignorante de ce qu’était la psychanalyse, je m’interroge : quelle était cette curieuse réunion qui semblait lier travail et joie ? Il me faudra bien des années pour accéder à ce gay sçavoir qui fait le sel du cartel et entendre que la formule « J’peux pas, j’ai cartel » portait dans son énonciation la marque d’un désir.
Le cartel a cette particularité : son moteur est un désir de savoir, désir qui par définition est énigmatique et qui dans le cadre de ce petit groupe – 4+1 comme on dit – se fonde sur la production d’un « trouble » dans « la routine du savoir1 ». Ce n’est pas un savoir en plus, ni un savoir déjà là mais un bout de savoir que le cartellisant tente d’arracher à ce qui fait l’objet de son travail : la lecture d’un texte de Freud ou de Lacan, l’étude d’un concept, ou encore sa mise au travail sur le thème d’un événement de l’École.
C’est cet usage du cartel que ce numéro de Cartello met en avant : le comique dans ses rapports au sérieux, travail en préparation des 55e Journées de l’ECF qui ont pour thème Le comique dans la clinique. Notons tout d’abord cette curieuse affinité entre humour et surmoi qui ouvre la voie aux humoristes et peut aller jusqu’à la mise en jeu du phallus dans les comédies dont celles de Feydeau sont paradigmatiques. Telle est la direction suivie par les textes de Sébastien Disdet et Véronique Juhel. Dans la clinique de la psychose c’est une autre affaire. Le sérieux de la langue impose une fixité au signifiant – lui conférant sa valeur tragiquement non dialectisable – qu’il faudra desserrer pour qu’un jeu se crée, qu’un écart se creuse, condition indispensable à un possible transfert. Les textes de Marine Uguen et Thomas Palvadeau en logifient les enjeux.
Voilà de quoi nous ouvrir la voie des J55 !
1 Sommer-Dupont V., « Une étrange pratique nommée cartel », Cartello, n°45, 15 octobre 2024, disponible en ligne.