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LIVRES

Mode de jouir au féminin

Marie-Hélène Brousse
Références
Mode de jouir au féminin
Marie-Hélène Brousse
Éditeur
Navarin éditeur
Pages
112
Année
2020
prix
12 €
Anna Aromí
  • Alors que les femmes s’affirment sur la scène du monde et que les catégories sexuelles se multiplient, la psychanalyse met au jour que le féminin n’est pas réductible à des données biologiques ou culturelles. Ce livre explore le féminin hors genre et au-delà du fantasme. De dits d’analysants, il extrait quelques expériences de jouissance.

    La sexualité féminine, « continent noir » de la psychanalyse freudienne, est mystère. De ce trou noir, Marie-Hélène Brousse fait surgir des effets de savoir. Le vide situe un érotisme propre au féminin. Elle précise ici l’avancée de Lacan isolant une jouissance autre que phallique, non localisée, indicible, affine à l’infini.

    Le féminin est un mode de jouir qui toujours surprend les êtres parlants quand ils l’éprouvent, une jouissance hors sens, hors loi, mais pas hors corps.

    Lire, écouter, voir…

    L’Hebdo Blog consacre son n°223 à l’ouvrage de Marie-Hélène Brousse.
    À retrouver ici.

  • Petite note au lecteur de Mode de jouir au féminin

    Ce livre que tu as entre les mains, cher lecteur, en dépit de son apparence tranquille et savante, est une machine, un appareil dont il vaut mieux savoir qu’on n’y entre pas sans ressentir quelques effets.

    L’objet nous est présenté à la manière de Dalí, enfant à la plage soulevant la surface de l’eau comme un tapis. Marie-Hélène Brousse, elle aussi enfant, elle aussi à la plage, se trouve prise dans un circuit – aller/retour/aller/retour –, du littoral de la mer aux pieds de sa mère enceinte. Munie d’un seau, l’enfant s’est mis à la tâche de « vider la mèr(e)1Brousse M.-H., Mode de jouir au féminin, Paris, Navarin, 2020, p. 20.». C’est du sérieux, dans les deux sens du terme, puisque le geste fera série.

    Projet impossible, dira-t-on, voué à l’échec. Eh bien non, pas d’échec quand un impossible se laisse tisser, troiser2Ibid., p. 42 : « Les êtres parlants, au temps de la forclusion, sont “troisés”. », par la machinerie du sinthome, moyennant un transfert analytique, et pas sans le consentement du sujet.

    Dès lors, désir de la mère et désir de l’analyste devront être sérieusement dissociés, ainsi que M.-H. Brousse le détaille, d’abord par son travail d’analysante, ensuite par son élaboration comme psychanalyste. Ce livre est le témoignage vivant de la manière dont elle a su trouver à chaque moment de son existence d’autres plages pour poursuivre cette tâche du vidage.

    Une trouvaille a vu le jour au cœur de cette tâche, trou-vaille, oserais-je dire, lorsque l’auteur indique sa rencontre cruciale avec ce que Jacques-Alain Miller a dégagé comme « la place de plus personne3Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Nullibiété. Tout le monde est fou », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 11 juin 2008, inédit. Et : Brousse M.-H., Mode de jouir au féminin, op. cit., p. 23 : « “la place de plus personne”. Cela a résonné en moi, dans le contexte d’une rencontre, que je vais évoquer, avec la notion de vide. »», comme étant la place de l’analyste. Dès lors, la notion de vide accompagnera et orientera le trajet, puisque, paradoxalement, ce vide n’est ni la fin du voyage ni le dernier mot.

    Pour faire place au désir de l’analyste, il faudra encore vider le vide. La place de ce désir, s’il y en a une, implique de produire, dans l’expérience du transfert, non seulement un vidage de l’Autre, maternel ou linguistique, mais aussi bien de dégager un trou au cœur même de la subjectivité.

    En effet, tous les vides ne sont pas équivalents, et le vide qui importe à la fin d’une analyse, seule la machine de l’équivoque arrive à le perforer. C’est pourquoi je trouve particulièrement éclairante la formule de M.-H. Brousse : « C’est l’équivoque qui met au travail la matière sonore et donc corporelle du langage.4Brousse M.-H., Mode de jouir au féminin, op. cit., p. 55. »

    Arrivé à ce point, cher lecteur, tu te diras : un parcours pareil pour arriver à quelle destination ? En guise de réponse, je n’ajouterai à cette question que les mots de Lacan dédiés un jour à François Cheng : « Notre métier est de démontrer l’impossibilité de vivre, afin que de rendre la vie tant soit peu possible.5Lacan J., in « François Cheng et Jacques Lacan », L’Âne, n°4, février-mars 1982, disponible sur internet, cité par M.-H. Brousse, in Mode de jouir au féminin, op. cit., p. 53. »

    Et, puisque toi aussi tu auras pris goût au vidage, tu te demanderas : quid alors de la jouissance féminine ? Tu étais prévenu, mais je préciserai qu’en dépit de son apparence de livre, cet appareil que tu as entre les mains, a accompli sa fonction de perforation. Tu pourras alors te plonger dans la seconde partie de ce livre.

  • 1
    Brousse M.-H., Mode de jouir au féminin, Paris, Navarin, 2020, p. 20.
  • 2
    Ibid., p. 42 : « Les êtres parlants, au temps de la forclusion, sont “troisés”. »
  • 3
    Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Nullibiété. Tout le monde est fou », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 11 juin 2008, inédit. Et : Brousse M.-H., Mode de jouir au féminin, op. cit., p. 23 : « “la place de plus personne”. Cela a résonné en moi, dans le contexte d’une rencontre, que je vais évoquer, avec la notion de vide. »
  • 4
    Brousse M.-H., Mode de jouir au féminin, op. cit., p. 55.
  • 5
    Lacan J., in « François Cheng et Jacques Lacan », L’Âne, n°4, février-mars 1982, disponible sur internet, cité par M.-H. Brousse, in Mode de jouir au féminin, op. cit., p. 53.