
Journée +1 : conférence du collège clinique de Lille et de l’ACF en CAPA, en présence d’Ariane Chottin, psychanalyste à Paris, membre de l’ECF et de l’AMP.
Argument
par Agathe Sultan
À notre époque où les noces du capitalisme et de la science ont transformé les discours et parachevé le déclin du père dont Freud et Lacan avaient repéré les prémisses, la crise du père est devenue crise du viril puis crise des semblants. Ces semblants que les adolescents sont si prompts à dénoncer sont ceux de leurs parents tandis qu’ils en saisissent d’autres avec tant de facilités. C’est ainsi que la question du genre s’est généralisée, poussant chacun à se dire selon ces nouvelles normes tant du côté de l’être que du côté de la relation à l’autre. Car « c’est sur les adolescents que se font sentir avec le plus d’intensité les effets de l’ordre symbolique en mutation […] et, parmi ces mutations de l’ordre symbolique, d’abord la principale, à savoir la déchéance du patriarcat1Miller, J.-A., « En direction de l’adolescence », Interpréter l’enfant, collection La petite Girafe, n°3, Navarin, 2015, p. 201. », indiquait Jacques-Alain Miller en 2017.
Chercher un escabeau sur lequel monter pour se faire beau et un tapis sous lequel cacher l’horreur à peine découverte, du plus obscur de la jouissance mais aussi d’un monde au bord du gouffre, de l’effondrement et du dérèglement climatique. Si chaque génération d’adolescents a ses trouvailles, sa langue, elle a aussi ses objets et celle du moment en a deux : le téléphone et le réseau. Il y a aussi ce qui ne change pas, d’une génération à l’autre : le déferlement pubertaire. La difficulté est de loger dans la langue la nouveauté énigmatique qui surgit dans le corps et de faire face à l’acuité nouvelle avec laquelle ressurgit la différence des sexes. Trouver le point d’où2Lacadée P., L’Eveil et l’exil. Enseignements psychanalytiques de la plus délicate des transitions : l’adolescence, Cécile Défaut, Nantes, 2007.apparaître aimable et se faire donner le goût de vivre, comme Freud l’indiquait déjà en son temps3Freud S., « Sur la psychologie du lycéen », in Résultats, idées, problèmes, tome I, PUF, 1984., voilà l’enjeu de cette délicate transition qu’on appelle l’adolescence.