Argument
par Deborah Gutermann-Jacquet
La psychanalyse s’intéresse à l’amour, à son discours, ses modalités, son idéal et ses impasses. L’expression commune « l’amour fou », par laquelle est désigné un amour hors de mesure, allant du registre passionnel au registre pathologique, ne se limite-t-elle qu’à quelques uns des poncifs dont le thème lui même est pourvoyeur ? Au-delà du topos, et à travers certains usages qu’en ont le théâtre, la littérature, la psychiatrie même, quels enseignements tirer de cette modalité de l’amour ?
En 1973, dans son Séminaire Encore, Jacques Lacan explorait à nouveaux frais les voies de l’amour : amour fusion, illusion de ne faire qu’un, impasses des mots, vanité des déclarations… Quelles voies l’amour peut-il emprunter pour être plus digne ? Si l’amour fou semble au demeurant désigner l’abîme de tous les excès, n’y-a-t-il pas, de cet excès même, une leçon à tirer, une complexité à mettre au travail ? La journée d’études de l’EA 4007 « La section clinique » et du département de psychanalyse prend ce pari en s’appuyant sur le possible au-delà de l’amour narcissique que pourrait dessiner à l’horizon « l’amour fou ». Si, visant l’infini, cet amour est celui qui peut trouver son point d’acmé dans le délire et son point d’arrêt dans la mort, ne peut-il aussi recéler un dépassement des limites objectales à même de produire autre chose de plus vivant que la prison du fantasme dans laquelle le partenaire se réduit à n’incarner qu’un « objet partiel », qu’un « brillant sur le nez », pour reprendre la condition d’amour dégagée autrefois par Freud ?
Le 19 avril 2023, de 9h à 18h, le dialogue interdisciplinaire s’invite à Paris 8 pour explorer les différentes facettes de cet amour, sa dimension de ravage, mais pas seulement. Car l’illimité qui le caractérise, impossible à circonscrire, n’est pas tout pris dans l’abîme. Reste à tenter d’analyser les voies par lesquelles il s’en échappe et par lesquelles il dit autre chose.