
Dans le cadre des Enseignements ouverts 2021-2022 de l’ECF, Sonia Chiriaco, psychanalyste membre de l’ECF et de l’AMP, déplie la question : « L’interprétation en question(s) »
Rendez-vous pour huit dates, les mardis, entre le 12 octobre 2021 et le 14 juin 2022.
L’interprétation en question(s)
par Sonia Chiriaco
Dès que l’on parle, on brode, on interprète : il n’y a nul accès au réel sinon par le truchement du langage qui reste approximatif.
Tout a commencé avec Freud. Son invention de la psychanalyse s’est répandue au point que la moindre formation de l’inconscient est désormais interprétée par qui en est témoin. L’inconscient serait-il devenu lisible si facilement et la psychanalyse en aurait-elle perdu sa pertinence ? Certes non. La séance analytique reste un espace singulier où règne le transfert : à l’analyste, on ne dit pas simplement « je souffre », mais « pourquoi est-ce que je souffre ? ». On attend de lui qu’il interprète la cause inconsciente du symptôme.
Freud, en déchiffrant le sens sexuel des symptômes, est d’abord parvenu à les soulager puis il a buté sur des écueils, résistances, réaction thérapeutique négative, restes symptomatiques insolubles.
Nous examinerons ces premiers temps de la psychanalyse avant d’aborder l’interprétation selon Lacan, qui s’est elle-même modifiée au fil des avancées de son enseignement. Encore aujourd’hui, l’expérience analytique ne peut se passer de l’interprétation dans sa version déchiffrage, qui inaugure le travail analytique et permet au sens de se dévider jusqu’au point de cerner l’impossible à dire. Tous les coups sont alors permis, citation, ponctuation, allusion, équivoque. Cependant, seule la coupure1Miller J.-A., « L’interprétation à l’envers », La Cause freudienne, n°32, p. 9-13. parviendra à empêcher la dérive infinie du sens afin de cerner « la jouissance opaque d’exclure le sens2Lacan J., « Joyce le Symptôme », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 570.». Si le parcours analytique semble suivre l’évolution de l’enseignement de Lacan, de l’inconscient transférentiel à l’inconscient réel, tout n’est pas aussi tranché du point de vue de l’interprétation et l’analyste lacanien peut user à tout instant de toutes les armes à sa disposition pour surprendre l’analysant, le réveiller. Le lion ne bondit qu’une fois, lançait malicieusement Freud, un adage qui reste pertinent à tout moment de l’analyse.
Hélène Bonnaud, Victoria Horne Reinoso et Véronique Voruz, se joindront à moi pour venir questionner notre pratique actuelle de l’interprétation.