
Dans le cadre des Enseignements ouverts 2021-2022 de l’ECF, Yves-Claude Stavy, psychanalyste membre de l’ECF et de l’AMP, dépliera la question « Identité sexuelle freudienne et sexuations lacaniennes ».
Identité sexuelle freudienne et sexuations lacaniennes
par Yves-Claude Stavy
Identité sexuelle (Freud) et sexuations (Lacan) ne se confondent pas. Freud considérait celle-là comme ne relevant pas de la psychanalyse : « La psychanalyse […] doit se contenter de dévoiler les mécanismes psychiques qui ont conduit à la décision dans le choix d’objet, et de suivre les voies qui conduisent de ces mécanismes aux montages pulsionnels […]. Quant à l’essence de ce que, au sens conventionnel ou au sens biologique, on nomme masculin et féminin, la psychanalyse ne peut l’élucider1Freud S., « Psychogénèse d’un cas d’homosexualité féminine » (1920), Névrose psychose et perversion, Paris, PUF, 1974, p. 270.». Sans doute Lacan note-t-il dès 1960 la « négligence marquante » dans l’expérience, concernant la sexualité féminine : non pour la qualifier de deuxième sexe (S. de Beauvoir) ; mais parce que, « fondant sur la répression paternelle le complexe de castration, premier issu de ses origines, elle a progressivement orienté (les postfreudiens) vers les frustrations venant de la mère2Lacan J., « Propos directifs pour un Congrès sur la sexualité féminine », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 725.».
À partir du séminaire L’éthique, il s’agit bien plutôt pour Lacan d’isoler l’existence dérangeante d’une jouissance intransposable, toujours déjà rencontrée avec le corps… à quoi seulement répond l’hypothèse œdipienne. Ne pas « négliger » le continent noir (Freud) n’a pas conduit Lacan à lever la récusation freudienne de céder au moindre amalgame, entre le réel de l’expérience d’une analyse menée jusqu’au bout, et les « caractères somatiques » (Freud). Un gouffre sépare l’ek-sistence d’un il y a sans Autre (éprouvé, ou non, au-delà du semblant phallique), de l’idée d’une identité sexuelle (subordonnée au binaire imaginaire « de tous ceux d’un même sexe à tous ceux de l’autre sexe« ) : « ce à quoi (alors) nous nous référons, c’est au modèle supposé animal. L’image animale de la copulation » – affirme Lacan en 19723Lacan J., Le Séminaire, livre XIX, …Ou pire, Paris, Seuil, 2011, p. 96. – aggravant ainsi le gouffre qui sépare hétéros et « bisexualité ». D’où le recours, dans son dernier enseignement – hors âme – aux formules de la sexuation : « seules définitions possibles de la part dite homme ou bien femme pour ce qui se trouve être dans la position d’habiter le langage4Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 74.».