
Dans le cadre des Enseignements ouverts 2021-2022 de l’ECF, les Soirées de la passe permettront, pour chaque soirée, d’entendre les AE et un extime, autour de la question « Corps et résons ».
AE : Myriam Chérel, Sophie Gayard, Victoria Horne Reinoso, Dominique Jammet, Omaïra Meseguer, Véronique Pannetier, Guy Poblome, Liliana Salazar-Redon, Marie-Claude Sureau.
Corps et résons
par Sophie Gayard et Guy Poblome, pour les AE
« Ponge écrit cela : réson1Lacan J., « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 322.» : c’est la note que Lacan adjoint, en 1966, au terme de parole qu’il vient de décliner en tant que loi, don et invocation, à la toute fin de « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse ».
Sur le chemin de « la raison depuis Freud2Cf. Lacan J., « L’instance de la lettre ou la raison depuis Ereud », Écrits, op. cit.», Lacan ajoute, au duo du langage et de la parole, la lettre qui « introduit en regard de la fonction de la parole – qu’elle dévalorise de ce fait – la fonction de l’écriture3Miller J.-A., « Le monologue de l’apparole« , La Cause freudienne, n° 34, octobre 1996, p. 9.».
Mais, par le biais du néologisme du poète jouant de l’équivoque, une autre dimension se glisse d’ores et déjà dans ce premier ternaire, parole, langage, lettre : celle du corps, car sans lui, pas de caisse de résonance, aucun écho. En effet, « La fonction poétique révèle que le langage n’est pas signification, mais résonance, et met en valeur la matière qui, dans le son, excède le sens.4Laurent É., « L’interprétation : de l’écoute à l’écrit », La Cause du désir, n° 108, juillet 2021, p. 58.»
L’expérience d’une analyse radicalise l’appréhension du fait qu’« il y a des mots qui portent, et d’autres pas5Lacan J., « Le phénomène lacanien », Section clinique de Nice, 2011, tiré à part des Cahiers cliniques de Nice, n°1, juin 1998, p. 17.». La raison en tient alors à la réson, c’est-à-dire pas seulement à l’effet de sens mais à l’effet de jouissance que le signifiant produit, là où « les pulsions, c’est l’écho dans le corps du fait qu’il y a un dire6Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, Le Sinthome, Paris, Seuil, 2005, p. 17.».
Cependant le corps n’est pas pour autant donnée simple à cerner, de celui qu’on croit être à celui qu’on a ou croit avoir. Quand bien même, en tant qu’image, il se présente comme unité, il n’en est pas moins bric-à-brac fait de bric et de broc, assemblage jamais complet de pièces détachées, qui « fout le camp à tout instant7Ibid ., p. 66.», ne s’appréhendant que par la logique de sac et de cordes qui le caractérise.
Si le nœud borroméen propose à sa façon une nouvelle écriture, le corps résulte lui-même aussi d’un nouage entre l’imaginaire, le symbolique et le réel. La fonction du trou y est donc centrale. Le Un de jouissance qui résulte de la percussion du signifiant sur le corps s’y inscrit non pas tant comme trace que comme trou – trouma. Ce réel irréductible ne peut que se serrer au plus près dans l’analyse, à lire l’événement de corps, contingent et hors sens, dont la lettre fait trace écrite dans le symptôme.
C’est à faire vibrer, résonner, à scander, découper, la motérialité du signifiant, au-delà de l’imaginaire de la signification, que l’interprétation analytique ouvre à la possibilité de cette nouvelle lecture d’une écriture en corps.
De ce « mystère du corps parlant8Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 118.», les AE tenteront, à partir des trouvailles singulières de leur analyse, d’élucider quelques fragments.